Ce qui est redoutable avec Julia Ducournau, c'est le réalisme physique de son horreur. Pas de coups de couteaux donnant lieu à des litres irréalistes d'hémoglobine bien épaisse, le tout au fin fond d'un endroit caricaturalement isolé. Non, l'horreur ici s'exprime par une vision froidement scientifique du corps et des lieux.
Le lieu, une école vétérinaire, avec son campus, ses chambres très Crous. Un campus, rien de mieux pour se faire des relations humaines bien chaleureuses. Ben non, c'est un sinistre rapport de domination et de compétition qui s'établit dès les premiers instants à travers un bizutage se donnant l'apparence d'une vaste orgie païenne (des séquences qui frappent très fort par leur authenticité ; la vache, la réalisatrice assure dans la direction des comédien(ne)s et des figurant(e)s !), où l'humiliation physique et psychologique est la règle d'or. Point de vue malaise, ça envoie du lourd.
Quant au corps, devrais-je dire les corps, les études vétérinaires sont une toile de fond idéale. Des animaux morts disséqués pour bien acclimater à cette morosité ambiante, à ces rapports glaciaux et distants avec les enveloppes corporelles. Et ceux humains dévorés, auxquels ils ne manquent pas le moindre tendon. L'anatomie est scrupuleusement respectée. Ce qui fait que les séquences cannibales sont particulièrement difficiles à regarder. Ben oui, ce sont des corps maltraités et détruits pleinement identiques aux nôtres. Ouais, l'atmosphère est lourde.
Quant aux thématiques, il y a le passage à l'âge adulte, la découverte de la sexualité et surtout la jouissance charnelle, mais pas dans le sens le plus rassurant du terme. La protagoniste, remarquablement incarnée par Garance Marillier, donne le sentiment, lors de ces scènes de plaisir bien particulier et bien personnel, d'être une vampire. Visuellement, ça imprime l'esprit.
Bref, avec Grave, Julia Ducournau, dès son premier long, nous emmène très loin dans l'insoutenable. J'aurais préféré ne pas la suivre et c'est en cela que le film est réussi.