Jeremy Saulnier a l’art de créer des atmosphères avec quelques petits éléments : une voiture et un SDF dans Blue Ruin, une bande de punks sur la route dans Green Room. De ce postulat, il compose un récit admirable, grâce à une écriture fine et novatrice qui renouvelle des schémas d’un absolu classicisme sans tomber dans l’hommage et le plagiat gratuit. Saulnier, avant d’être un excellent metteur en scène, est un scénariste très compétent capable de créer une galerie de personnages crédibles et cinématographiques en quelques plans, quelques lignes de dialogues, quelques regards. La force de ce scénario repose sur la véracité de ses personnages : ils sont bien loin les clichés habituels du punk à chien d’un côté et du skin nazillon bas-du-front de l’autre. D’ailleurs, choisir Patrick Stewart dans un rôle de grand méchant relève du génie. La confrontation entre les deux clans va apporter beaucoup de nuances à des personnages qui vont s’avérer beaucoup plus riches et contrastés que ce que l’on aurait pu croire...


Green Room est un thriller par moment vraiment étouffant et d’une tension à couper à la tronçonneuse tout autant qu’un film d’horreur, à la différence près qu’ici, les boogeymen sont bel et bien humains, ce qui accroît considérablement le sentiment d’effroi. Dans la petite pièce de quelques mètres carrés où l'action se passera près des deux tiers du film, Saulnier en profitera pour conférer à sa mise en scène une vraie sensation d’enfermement. On sent que tout peut dégénérer à tout moment, que le massacre sera inéluctable. Ce qui n’aurait pu être qu’un survival classique devient, grâce à la force de la mise en scène, un vrai drame humain bestial et tendu comme une corde de guitare...


Le film est dur, sans détour, rugueux et sale. Sa violence graphique n’est alors pas déversée comme un torrent gratuit de gore sans calcul mais parsemée de manière habile à chaque instant important du film lui apportant un réalisme certain. Le cocktail nécessaire à l’explosion de son histoire qui convoque les survivals crasseux des années 70, en se réappropriant un cinéma et s’inscrivant de manière personnelle dans ce dernier. A une époque où le cinéma indépendant peine à garder le cap dans une industrie privilégiant la démesure financière des studios, un réalisateur comme Jeremy Saulnier fait figure de résistant, voire de metteur en scène à suivre aveuglément !!!

Yoann_Carré
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le 9 juil. 2016

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