Le Talent ne justifie pas le mépris

Tellement habitué à être encensé de toutes parts, Michael Haneke a dû finir par penser qu'il pourrait se moquer en tout impunité du spectateur, que personne ne le remarquerait ou que l'on trouverait à « Happy End » des qualités n'existant pas uniquement parce que c'est lui, le grand réalisateur autrichien, qui l'a mis en scène. Pas de chance, cela s'est vu, et pas qu'un peu : repartir bredouille du Festival de Cannes dont il est l'une des idoles absolues, c'est limite la honte. Même le minimum syndical que l'on pouvait attendre n'y est pas : certes, celui-ci sait filmer, c'est visuellement plus probant que la moyenne, toujours prompt à la critique concernant les nouvelles technologies et leurs dérives, chez les jeunes comme les adultes.


Ses thèmes de prédilection sont là : famille, grande bourgeoisie, relations sado-maso, regard peu aimable sur ses congénères... Secondé par une troupe d'acteurs forçant légèrement la désincarnation mais néanmoins solide (au vu des noms, le contraire serait regrettable!), les bases sont là, encore fallait-il se donner la peine d'en faire quelque chose. C'est simple : il n'y a pas de scénario. Juste une galerie de personnages moyennement intéressants (dont certains à tendance suicidaire), que l'on suit sans enthousiasme dans leur quotidien tout aussi peu captivant, sur fond de travaux publics à gérer, de tromperie, d'émancipation difficile...


Qu'a voulu raconter Haneke ? Sincèrement, je me demande s'il le sait lui-même. Sans être assommant, on s'ennuie un peu, nous demandant constamment où celui-ci veut en venir, quel est le but de sa démonstration. Encore assumerait-il pleinement une critique féroce de la bourgeoisie, mais même pas : certes, tous ces gens ne sont pas vraiment sympathiques, mais ils sont surtout tièdes, semblant plus ou faire de leur mieux dans leur logique de privilégiés. Cela aurait pu être intéressant : donner, justement, un regard plus nuancé à cette « haute » que l'on aime tant détester, mais comme le récit n'a rien à raconter, leurs actions restent vides, ne nous impliquant jamais dans cette « vie de château » souvent isolée du monde.


Reste cette scène entre


Jean-Louis Trintignant et Fantine Harduin : elle aurait pu être meilleure, provoquer un malaise plus grand, mais a au moins le mérite d'exprimer quelque chose, de créer une tension, un lien entre deux personnages pas si différents.


Peu, trop pour espérer une réelle indulgence, même si je ne ressens finalement ni colère, ni frustration : juste l'impression d'un cinéaste arrivé au bout de son processus créatif et n'ayant plus grand-chose à raconter. J'espère me tromper, mais si Haneke venait à quitter la scène sur ce « Happy end », nul doute qu'il n'en serait clairement pas un pour lui...

Créée

le 27 mai 2020

Critique lue 147 fois

Caine78

Écrit par

Critique lue 147 fois

D'autres avis sur Happy End

Happy End
Moizi
8

Amour 2, le retour

J'adore le cinéma d'Haneke mais je n'avais pas pu voir ce film à sa sortie et les mauvais retours ne m'avaient pas fait me précipiter dessus à sa sortie en DVD. Sauf qu'en réalité c'est très bon et...

le 13 mai 2018

21 j'aime

Happy End
mymp
4

Violence des échanges en milieu calfeutré

Une famille de bourgeois (ici à Calais) sous le scalpel de Michael Haneke : programme archiconnu (Le septième continent, Funny games, Caché…) et a priori alléchant qui, très vite, va néanmoins se...

Par

le 27 sept. 2017

18 j'aime

Happy End
AnneSchneider
8

Tuez-vous les uns les autres (bis)

Je reprends ici le titre donné à ma critique portant sur « Les 8 Salopards » (2016), de Tarantino, puisque, dans ce nouvel opus du réalisateur autrichien, l’acte de donner la mort, réelle ou...

le 26 août 2018

17 j'aime

2

Du même critique

Enquête sur un scandale d'État
Caine78
2

Enquête sur un scandale cinématographique ?

Thierry de Peretti est un réalisateur doté d'une bonne réputation, notamment grâce à « Une vie violente », particulièrement apprécié à sa sortie. J'y allais donc plutôt confiant, d'autant que le...

le 20 août 2022

32 j'aime

8

Mourir peut attendre
Caine78
4

Attente meurtri(ère)

Cinq ans d'attente, avant que la crise sanitaire prolonge d'une nouvelle année et demie la sortie de ce 25ème opus, accentuant une attente déjà immense due, bien sûr, à la dernière de Daniel Craig...

le 7 nov. 2021

29 j'aime

31

L'Origine du monde
Caine78
3

L'Origine du malaise

Je le sentais bien, pourtant. Même si je n'avais pas aimé « Momo », adapté du même Sébastien Thiéry, cela avait l'air à la fois provocateur et percutant, graveleux et incisif, original et décalé,...

le 25 sept. 2021

25 j'aime