Vu dans le catalogue de Netflix, je me suis laissé tenter, surtout par la présence de Samuel L. Jackson. Par contre, je ne connais rien d'autre du travail de Neil LaBute. Plus ou moins inspiré d'un faits divers réel, le film aborde un sujet brulant, celui des couples mixtes et du racisme antiblanc. Sa force réside dans le fait que le harceleur est un flic du LAPD, reconnu par ses pairs, un peu moins par l'inspection des services... Ce porte-à-faux fait la force du scénario ; comment affronter un individu ancré dans la toute puissance et membre des forces de l'ordre ? Sur fond des incendies qui ont ravagés une partie de Los Angeles, le drame entre ce couple qui vient d'emménager et ce flic taciturne, buté, veuf et père de deux enfants qu'il tente d'élever avec une rigidité abusive, ne pourra que monter en tension et finir dramatiquement.
Présenté ainsi, ça sent un peu la caricature. Mais le tableau est plus subtil. Abel n'est pas un bad cop, et même si ses méthodes sont peu déontologiques, il tente de faire son travail avec une forme d'humanité. Sa couleur préférée ? Le bleu, celui de l'uniforme. Mais quand ce jeune couple mixte arrive dans ce qu'il estime être SON quartier, Abel commence à péter les plombs. D'autant que la date anniversaire de la mort de sa femme approche, non soignée car jugée sur sa mélatonine (dixit Abel), le rend encore plus maussade. Pourtant, les deux hommes tentent parfois de se rapprocher, et au fur et à mesure que Chris (Patrick Wilson, ambigu à souhait) s'affirme face au colosse, Abel prend conscience qu'il a sous estimé le petit blanc, amateur de rap du ghetto, et fumeur occasionnel de joints. L'affrontement ne pourra alors être évité.
La question des couples mixtes est rarement abordée au cinéma. Ici, Lisa et Chris sont un couple solide, qui savent qu'ils vont devoir affronter le regard des autres. Les failles apparaissent quelques fois, mais ils font front. Même face au père de Lisa, avocat méprisant son gendre qui ne sera d'aucune utilité. Espérant sûrement que ce soit l'occasion d'une rupture entre les deux jeunes mariés. Leurs amis sont à leur image, couples mixtes également, tendance wok, ce qui rend Abel encore plus hargneux. La pression du boulot, les incendies qui gagnent du terrain, sa fille qui se rebelle, la mort de son épouse... Abel perd le contrôle petit à petit, le mur des certitudes qu'il a tenté de construire pour garder le cap se fissurant peu à peu. Comme souvent, Samuel L. Jackson est impressionnant. Il trouve encore une fois un rôle à sa mesure, rempli de dichotomies et à la morale torturée. Il y a parfois du Jack Nicholson dans son jeu, ce n'est pas la première fois que je le remarque. Le reste du casting est à l'avenant, parfaitement crédible. Au final, un bon film. Parfois tendu, parfois plus serein, mais toujours en ascension vers son paroxysme.