Plus qu'une énième critique, le film mérite un éclairage original : celui du totémisme australien pour décrypter le Fourchelang (Parseltongue). Ci-après, un extrait de Par-delà nature et culture de Philippe Descola définit la "relation particulière entre un sorcier et une espèce animale, généralement des reptiles" établie dans les tribus du Sud-Est : "Les membres de l'espèce agissent comme des auxiliaires du sorcier, portant le mal ou la guérison à distance et espionnant pour son compte. Parmi les Kurnai, on dit que le sorcier porte en lui l'esprit de l'espèce qui l'assiste, lequel peut être externalisé et matérialisé dans un animal apprivoisé. Chez les Yualayi, un sorcier peut confier un animal de son espèce totémique, un alter-ego, à un malade pour que sa force le guérisse ; les mêmes prétendent qu'une blessure infligée à un animal totémique fait souffrir le sorcier associé à cette espèce." J'entends le cri de douleur émis par Tom Riddle lorsque le phœnix crève les yeux du Basilik, je vois l'âme noire du sorcier prisonnière de son Horcrux à écailles, je sens le venin glacer mes veines. La suite, plus intriquée encore, envisage la suite de la saga : "La personne du sorcier australien paraît complètement fusionnée avec l'espèce qu'il a prise pour totem : l'essence de l'espèce est devenue son essence et lui-même éprouve dans sa chair tout ce qui affecte un membre quelconque de la collectivité animale dont il épouse désormais la destinée. Il ne s'agit donc pas ici d'une alliance ou d'un contrat d'assistance passé entre le sorcier et son espèce totémique, mais bien d'une hybridation recherchée et assumée dont la finalité est certes sociale - le traitement et la dissémination de l'infortune parmi les hommes -, mais dont la réalisation complète exige d'acquérir des propriétés partagées avec une espèce animale." De là à supposer que la très chrétienne J. K. Rowling oppose Tom Riddle et Harry Potter parce que le premier écoute la voix du serpent tandis que le second a refusé d'entrer à Slytherin et tente d'échapper à la nature perfide qui sommeille en lui, il n'y a qu'un pas. Harry Potter cherche à s'élever par l'amour alors que Tom Riddle est attaché à sa misérable vie terrestre, pauvre serpent qui rampe sur le sol et mord la poussière.