Y a du Gouda pour le dessert

Un film auréolé de l'oscar du meilleur scénario originale est toujours très attendu. Attente qui est principalement axée sur l'histoire parce qu'elle a retenue l'attention générale au détriment d'autres. Car avant que ce soit un ensemble de procédés techniques, il ne faut pas oublier qu'un film est crée simplement pour raconter une histoire. De nos jours, l'originalité du traitement est de plus en plus recherché, ça tombe bien car Her le réussit très bien.


Un film est réussit quand son histoire peut être racontée en une phrase. Her en est typiquement un bon exemple car son histoire a déjà été visitée dans tous les domaines possibles depuis des centaines d'années. Le concept du film est très simple : il raconte une histoire d'amour. Tout le mérite du film est dans l'originalité de son traitement, Jonze situe l'aventure dans un monde futuriste où la technologie a tellement évoluée qu'il est possible de discuter avec des intelligences artificielles. Les systèmes d'exploitation des ordinateurs sont devenues des personnalités à part entières, elles permettent des échanges verbaux en plus d'effectuer des tâches informatiques à la demande de l'utilisateur. En instance de divorce qui n'arrive toujours pas à se concrétiser, le personnage de Theodore développe une certaine amitié, puis intimité et enfin véritable amour avec son système d'exploitation Samantha. Le film est une véritable réussite car il arrive à raconter son histoire de façon très modeste. D'une durée de plus de deux heures, on ne s'ennuie pas une seconde car le rythme est très subtilement dosé. Certains moments typiques d'une relation tels que ''les moments de bonheurs'' ou les ''moments de doute'' sont bien présents parce qu'ils font partis de toute relation. Cependant le film ne tombe jamais dans le mélodrame car on oublie pas que la partenaire de Théodore est un système virtuel et qu'il y a un doute présent tout au long du film quand à ses sentiments. Et c'est ce doute qui donne toute la saveur à ce dernier, parce que nous oscillons constamment entre l'idée que ça va coller entre eux et qu'inversement ça ne va pas fonctionner. Or cette déstabilisation permanente est très intéressante car elle empêche d'anticiper la suite et de prévoir une potentielle fin, du coup nous sommes gagnés par le récit.
Le film est un hymne à l'amour. Dans une société où le jugement physique est très présent, l'amour que porte Theodore pour Samantha vient contre-balancer cette réalité car Theodore aime Samantha pour sa personnalité et pour ce qu'elle représente. De même, la relation entre ce dernier et son ex- femme Caroline est une approche réaliste rarement vue : les deux personnages ont vécu des moments très forts dans leurs vies et ne se sont pas séparés par le biais de grosses disputes comme on peut souvent le voir au cinéma. Le divorce est simplement dû au fait qu'ils ont changés et qu'ils n'avaient plus la même passion qu'avant, cette simplicité peut être perçue comme pessimiste mais c'est pourtant le fonctionnement même de la vie : les gens évoluent, et parfois des liens peuvent se briser.
Spike Jonze maîtrise vraiment son film de A à Z. Le monde futuriste dans lequel évoluent les personnages est une simple toile de fond qui ne vient à aucun moment envahir l'aventure amoureuse. Il aurai été facile pour le réalisateur de perdre le contrôle de son film en voulant justement profiter de l'opportunité de créer un monde imaginaire. Les innovations technologiques et informatiques sont de simples détails et viennent simplement saupoudrer le contexte historique car nous ne saurions même pas vraiment dire où se déroule l'histoire. La photographie très travaillée vient renforcer cette intemporalité par le fait qu'elle présente le futur de façon très ''vintage'' avec ses nuances de marron, jaunes et gris désaturées. Nuances qui encadrent la couleur directive du film, le rouge, présent sur quasiment tous les plans du film et qui vient symboliser une certaine passion perdue par Theodore et qu'il tente de retrouver avec Samantha.


La mise en scène de Jonze est très efficace car il crée une atmosphère délicieuse. Le film est prenant, très bien rythmé mais le point fort est véritablement son scénario car les personnages sont intéressants et les dialogues subtilement écrits. Même les séquences amoureuses entre Theodore et Caroline sont belles et renforcent la tragédie que l'on se fait à propos de ce couple que la vie et le temps ont finit par mettre un terme. Joaquim Phoenix est excellent en Theodore tiraillé par la solitude et qui ne sait jamais ce qu'il veut vraiment. Il atteint une sorte d'épanouissement qui est très beau à voir. Scarlett Johansson est très efficace, elle arrive à créer une véritable personnalité à son personnage qui n'est censé être qu'un système d'exploitation. Débutant avec une voix chaleureuse mais standard, elle va au fur et à mesure réussir à développer plusieurs émotions découvertes par le biais de Théodore tels que le désir, la jalousie, l'attirance, etc. Ce couple très atypique est un bonheur à suivre dans ses moments de bonheur comme dans ses moments de faiblesse.


Her est finalement une attente comblée. Relançant à nouveau la traditionnelle histoire d'amour, Jonze réussit son paris audacieux de la placer dans un monde futuriste entre un humain et une intelligence artificielle. Cette dernière a alors tout à découvrir des émotions, ce qui offre une narration léchée et toujours captivante. A noter une touche d'humour très bien amenée tout au long du film et notamment une interaction entre Theodore et un personnage de jeux vidéo qui est juste hilarante. Le film n'est jamais trop ambitieux et est honnête dans ce qu'il nous propose : un film d'amour mais aussi un film de partage. Spike Jonze prouve parfaitement qu'on peut prendre le plus vieux sujet du monde et toujours captiver le spectateur dès que l'on traite avec un minimum d'originalité. Certains devraient en prendre de la graine.

Poupart
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le 20 mars 2014

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