Au sortir d’un trio de films alternant verve majestueuse, tenants dramatiques et graphismes léchés, Hercule se rapproche davantage de ce qu’était Aladdin : à savoir une adaptation des plus libres de la littérature/mythologie d’une culture étrangère, sous un vernis comique prépondérant et typique du studio aux grandes oreilles.
Ses faiseurs (désormais) majeurs que sont Clements et Musker réitérèrent donc l’expérience de la relecture, si ce n’est que le procédé est ici poussé encore plus loin : car par-delà les libertés prises avec les versions (plus ou moins) officielles décrivant le personnage de Héraclès, le présent film fait montre d’une telle rupture de ton avec son sujet, tant dans l’esprit que la forme, qu’il dénote à n’en plus finir... quitte à se saborder quelque peu.
Disons donc que les largesses que s’autorise Hercule laissent penser que celui-ci ne fait pas grand cas de son sujet mythologique : certes, il lui emprunte et respecte bien certains de ses codes formels comme narratifs, mais le fait est qu’il en ôte rapidement la veine ambiguë et épique au profit de sa signature cartoonesque. Une caractéristique qui dénote même à l’échelle de la filmographie de Disney, celui-ci poussant le délire assez loin tout en cultivant un imagerie dont la perception serait duale : car si tout ce qui touche au divin, notamment lors de son introduction, laisse une très bonne impression (au point de nous aguicher), l’effet vire au disgracieux sitôt que l’on se mêle au commun des mortels.
Entre bouffonneries redondantes à la longue et cet enrobage nous laissant mi-figue mi-raisin, Hercule cultive ainsi d’une drôle de façon son potentiel hors-norme, sans vraiment parvenir à cette alchimie « magicomique » qu’incarnait Aladdin. D’ailleurs, plus encore que ce dernier, il pâtit de l’innocence pataude de son Héros, celui-ci étant bien en peine de susciter de l’empathie chez le spectateur, volontiers dubitatif quant à ses états d’âmes et le classicisme patent de ses tourments existentiels (sa romance avec Megara ne nous laissera également pas un souvenir impérissable).
Finalement, comme d’autres avant lui, Hercule ne doit son salut qu’à l’apport conséquent de figures secondaires bien senties, qui à l’instar d’un Philoctète attachant lui confèrent contre vents et marées un petit supplément d’âme salvateur. Et, sans trop de surprise, c’est du côté des antagonistes qu’il tire le mieux son épingle du jeu : car si les enjeux que soulève Hadès ne rappellent que trop bien un certain Scar, celui-ci outrepasse sans difficultés son traitement manichéiste (assimilable au Diable) de par sa propension satirique comme lunatique, berceau de traits d’humour et d’accès de rage hilarants.
Et pour compléter le tableau, marque des plus grands méchants Disney, quoi de mieux que d’excellents sidekicks ? Dans la droite lignée des meilleurs, Peine et Panique s’avèrent être de formidables diablotins, auteurs de quelques répliques confinant à la franche poilade... parmi lesquelles cet échange improbable, avant que la vérité ne les glace d’effroi (a contrario de leur patron, plutôt furieux pour ne pas changer) :
« Hercule... est-ce que ce nom ne te dit pas quelque chose ? »
« J’en sais rien... peut-être qu’on lui doit de l’argent ? »
En dépit d’un soupçon de déception quant à sa représentation d’une mythologie riche à souhait, Hercule force donc notre sympathie à la force de ses personnages, vannes et références : un paradoxe donc, tant ces attributs obscurcissent ses prétentions dantesques comme tragiques, tandis que son versant graphique (et l’usage pas toujours probant du numérique) parachève son unicité au sein des Classiques d’animation Disney... mais pas toujours de la meilleure des manières.