Il y a d'emblée une chose à savoir sur Here : c'est un film à concept qui consiste à filmer le salon d'une maison en plan fixe à travers les époques.
Si vous assimilez cela à un potentiel film d'auteur ennuyeux et prétentieux, détrompez-vous!
Sachez que nous parlons du réalisateur de Retour vers le futur, Forrest Gump et Seul au monde.
Sérieusement, je commence directement sur ce point parce que le film fait un flop, probablement parce que son concept fait peur, et je trouve ça terriblement triste. Je vous assure que cela ne vous demandera aucun effort pour suivre cette fresque temporelle.
D'ailleurs, le théâtre consiste aussi à rester immobile face à une scène fixe, ce qui ne l'empêche pas d'être un art complet et populaire.
Cependant, bien plus qu'un simple théâtre filmé, Here profite pleinement des possibilités offertes par son médium. C'est une véritable œuvre cinématographique.
En ce qui concerne l'histoire :
Plusieurs familles se succèdent dans la maison : des afro-américains dans les années 2000, un passionné d'aviation au début du 20ème siècle, et même un couple amérindien dans une forêt, bien avant la construction du bâtiment.
On peut tout de même dégager un récit principal, celui de Richard. Celui-ci naît peu après la seconde guerre mondiale. On peut suivre son évolution, sa rencontre avec sa future femme Margaret et leur vie commune jusqu'à notre époque.
Vous décrire des événements particuliers n’a, à mon sens, pas grand intérêt.
Le film nous présente des petites situations du quotidien qui semblent parfois quelconques, mais qui font forcément sens. On ne peut que s'y reconnaitre a travers notre propre vécus ou celui de nos proches.
Here, c'est ca: l'histoire de la vie, avec l'innocence de la jeunesse, la désillusion, l'amour, le drame, la perte d'un être cher, la famille, l'espoir, la maladie, la nostalgie, le bonheur.
L'histoire du père de Richard m'a touché personnellement. À travers lui et sa famille, le film nous rappelle qu'il faut vivre sa vie sans regrets.
C'est d'autant plus important aujourd'hui, une époque où nous nous laissons trop facilement submerger par le poids du passé ou l'angoisse de l'avenir. Finalement, ce qui compte vraiment, c'est ce qu'on vit ici et maintenant.
Je ne peux sincèrement imaginer que personne ne soit touché en plein cœur après le visionnage.
À travers toutes ces petites histoires intimes, c'est aussi la grande histoire des États-Unis qui défile en toile de fond. Les événements marquants ne sont forcément pas vécus, ils ne sont que cités, mais cela permet surtout de voir toute l'évolution des différentes valeurs et mentalités des familles américaines typiques à travers le temps.
Malgré la caméra qui ne bouge jamais, le film affiche régulièrement des "fenêtres" qui renvoient à différentes époques. Nous avons parfois plusieurs événements qui se déroulent en temps réel devant nous et qui se répondent souvent d'une façon ou d'une autre, même si des décennies séparent les scènes.
Contre toute attente, cela rend le film assez dynamique, voire didactique. On ne s'ennuie jamais, on s'amuse à observer avec tendresse ces personnages évoluer au fil du temps. La décoration du salon, la lumière, l'emplacement du divan : tous ces éléments finissent par nous être familiers, et on reconnaît en un coup d'œil le foyer dans lequel on se trouve.
Que dire de plus ?
J'espère vraiment que cette critique pourra convaincre quelques réticents, car Here mérite vraiment plus de reconnaissance.
Un concept particulier mais maîtrisé de bout en bout, qui viendra vous émouvoir comme si peu d'œuvres en sont capables.