Henri Colpi a eu essentiellement une carrière de monteur au cinéma. Il a cependant réalisé quelques films dont "Heureux qui comme Ulysse". C'est lui qui a écrit les paroles de la chanson chantée par Brassens sur une musique de Delerue. Cette chanson est indissociable du film et agit comme un véritable leitmotiv à plusieurs moments du film.
L'histoire s'apparente à un conte dans lequel un vieux valet de ferme, Antonin, doit amener un vieux cheval, Ulysse, de 28 ans à un picador qui devrait "l'utiliser" lors d'une corrida aux arènes d'Arles. Seulement voilà, Ulysse, c'est comme si c'était son fils et Antonin se refuse viscéralement à cette dernière et terrible extrémité.
Le film se déroule comme un road-movie. Heu non, restons dans le ton ! Le film se déroule comme une Odyssée d'Antonin et d'Ulysse dans une Provence bucolique et lumineuse qui démarre de Roussillon (à côté d'Apt) puis traverse Cavaillon, passe vers les ruines de Glanum, devant le moulin de Daudet, rencontre un ami aux Baux, contemple les vestiges de l'abbaye de Montmajour avant de pénétrer en Camargue et à Arles.
La mise en scène est simple, pleine de délicatesse. Le rythme est lent, presque contemplapuisque nos deux compères vont, tranquillement, à "pied" avec Antonin devisant de-ci, de-là avec Ulysse. Rien ne presse …
Mise en scène délicate et tranquille ? Oui mais non ! Sauf quand le film bascule dans l'horreur de la corrida et du sort des chevaux face au taureau … Là, la mise en scène se veut, de façon surprenante, très réaliste montrant le public d'aficionados sifflant ou applaudissant au carnage dans l'arène. L'habileté de Colpi est de nous avoir convaincus (et endormis) de la beauté de la nature et de l'amitié entre l'homme et son cheval. Quand arrive la scène de la corrida, le sang du spectateur ne fait qu'un tour et devient totalement solidaire d'Antonin qui cherche à fuir avec son cheval.
Ce que je n'ai encore pas dit c'est que c'est un Fernandel remarquable qui interprète le rôle d'Antonin. Son jeu est très sobre et très émouvant. C'est son dernier rôle au cinéma puisqu'il mourra l'année suivante. C'est, sans conteste, à mon avis, un de ses meilleurs rôles. Pas de cabotinage. Quelques scènes amusantes quand il réalise que la femme qu'il a eu aimé en vain, il y a longtemps s'est transformée en une insupportable virago à laquelle il a eu la chance d'échapper …
En résumé, on pourrait dire que Fernandel incarne ici le "bonheur tranquille" et la dernière scène – magnifique – nous le montre presque prêt à tirer sa révérence.
En guise de conclusion, l'association heureuse Colpi, Brassens et Fernandel nous offre une belle réussite pleine d'humanisme avec le charme d'une belle Provence lumineuse.