Hijacking par Kroakkroqgar
‘Kapringen’, c’est un thriller tout à fait réaliste. Le pitch est tel qu’il ne serait pas étonnant de le retrouver dans la rubrique monde d’un journal actuel. Et le déroulement de la prise d’otage ne perd jamais sa force de crédibilité. En fait, le réalisateur Tobias Lindhom a su préparer le tournage afin de respecter au maximum le déroulement probable des évènements. Entre autre, il faut savoir que le personnage de Connor, le professionnel des transactions d’otages est interprété par un véritable négociateur.
Mais ce qui fait la véritable force de ‘Kapringen’, c’est la narration. Ellipses narratives et hors champs permettent au spectateur d’imaginer les conditions de détention de l’équipage, tout en laissant au réalisateur le loisir de se concentrer au maximum sur le véritable sujet de son film : la négociation. Tobias Lindhom n’en est pas à son premier essai, puisqu’il est déjà à l’origine de la série d’intrigues politiques ‘Borgen’. Ici, le duel opposera un chef d’entreprise à un médiateur des pirates. Le débat se déroule alors presque comme la signature d’un traité économique où chacune des nouvelles propositions est mûrement réfléchie pour ne pas révéler les véritables objectifs des délibérants. A cela s’ajoute pourtant la pression psychologique : c’est la vie des membres de l’équipage dont il est question, et les contractants sauront s’en servir. Il en résulte une tension totalement écrasante.
Outre son excellent scénario, le film propose également une photographie de qualité (on pensera notamment au fabuleux contre jour sur la mer, juste avant la prise du navire). La caméra à l’épaule illustre la promiscuité du navire, et met encore en lumière le contraste avec les bureaux immaculés de l’entreprise.
Cependant, on ne peut oublier les prestations des acteurs. Pilou Asbæk est touchant en cuisinier démuni, jusqu’à la fin (ou le début ?) du drame. A l’opposé, Søren Malling incarne un PDG sévère et assuré avec brio, écrasé par la situation. On regrettera en revanche que le personnage de Lars Vestergaard soit si peu utile : à l’exception de sa brillante idée finale, chacune de ses apparitions correspond à une répétition d’un même regard de compassion.
Finalement, le clou du spectacle se trouve toutefois dans un infime détail, au cours du passage où les pirates quittent le navire à la fin du film. Alors que Omar soutient tout le long des négociations qu’il n’est qu’un négociateur, on le voit réprimander un des somaliens. Comme nous pouvions nous en douter, il s’agissait donc bien du chef des pirates qui jouait de sa position, comme le faisait Peter en prétendant réunir le conseil administratif. Même s’il prétendait le contraire, chacun des négociateurs est en fait son propre maître. Du coup, cette révélation achève de nous faire prendre conscience des techniques de persuasion employées par Omar à la fois sur Peter et sur l’équipage.
Un thriller brillant.