Le bon, la brute et la prostituée. À défaut de se voir attribuer ce titre, le film est bâti autour de ces trois entités. Un capitaine de l’armée impériale japonaise traite son valet militaire et sa putain comme des chiens en les frappant et en les humiliant. La bonasserie du soldat Mikami et la soumission de Harumi sont poussées dans leurs derniers retranchements et les deux victimes vont trouver leur vengeance en devenant amoureux à l’insu de leur bourreau. Yumiko Nogawa dans le rôle-titre est renversante. Elle incarne un bout de femme pleine de vie à l’âme abimée. Honteuse de tirer plaisir dans le bras de la brute, elle l’est encore plus d’être jugée comme une traînée. Ce déchi-rement et sa volonté de s’élever au-delà de sa condition la mène sur les bords du gouffre de la folie. Son intensité convainc et effraie. Ses pleurs vous chavirent. Elle aime éperdument, mais attention si on la trahit. Elle peut vous arracher la langue en vous embrassant. Au-delà de ce personnage rendu tragiquement, l’image de certaines séquences démontre une grande maîtrise au point d’inspirer de nombreux réalisateurs. Notamment celles sur les champs de bataille. Seijun Suzuki a développé sa propre signature dans un cadre commercial ce qui lui a semble-t-il apporté des ennuis. Cela dit, le spectateur a droit à une histoire d’amour sentie, un hommage à ces femmes qui rêvent au prince tout en essayant de banaliser la perte de leur dignité au quotidien pour survivre, à une œuvre percutante qui donne envie de monter aux barricades à la défense des opprimés.