Léos Carax nous donne à voir, après 13 ans d'absence, un film qui renouvelle le 7e art, oui cette formulation peut paraître audacieuse mais elle n'est rien par rapport à l'ambition qu'il place dans ce film.

Beaucoup ont critiqué négativement ce film en disant qu'il méprise le spectateur, qu'il ne lui laisse aucune ouverture viable, ainsi que Carax laisse aucun moyen au spectateur de s'attacher ou de l'aspirer dans le récit. Je pense qu'interpréter le film de cette façon est une erreur. Carax choisit de rompre la tradition classique du dénouement, de l'empathie envers un personnage. Au contraire l'intérêt du spectateur s'accroît sur la durée du film et se satisfait par la surprise, l'étonnement. En effet Carax malmène le spectateur en ne lui donnant aucun moyen (ou très peu, rapidement interrompu par la reprise des performances de M. Oscar) de se ressaisir dans le réel ou d'établir des repères dans le récit. C'est là que réside la plus grande force de ce film selon moi. Ce style cinématographique permet une immersion totale du spectateur, qui se donne entier au film, avide de curiosité quant à la tournure qu'il va prendre.
C'est un procédé qui peut sembler risquer mais Léo Carax réussi avec succès, puisque son film se renouvelle sans cesse de par son propos consistant sur le temps/le travail, mais également par ses décors, ses ambiances, ses acteurs...

Alors, nous, spectateur, qui nous trouvons devant Holy Motors sommes invités à ne pas faire comme public au début du film, mais à ouvrir bien grand les yeux pendant 2h pour percevoir en son entier, la beauté qui nous attend.
Donc bien sûr, si au moment de lancer le film devant votre TV ou de vous rendre au cinéma pour voir Holy Motors, vous vous attendiez à ce que ce film raconte simplement la vie d'un homme, vous serez forcément déçus.

L'auteur fait la critique d'une société dans laquelle plus personne ne contemple le beau.
En effet le film s'ouvre sur un public vide d'expression, les yeux fermés devant un film dans une salle de cinéma. Pourtant, un peu plus tard dans le film Mr. Oscar s'entretient avec un homme dans la limousine qui reprends la célèbre citation d'Oscar Wilde : "La beauté est dans l'œil de celui qui la regarde".
Alors pouvons-nous encore prétendre que la beauté existe tant elle n'est plus regardée ?
Pour Mr. Oscar oui, il est épuisé par ses "rendez-vous" mais continue tout de même pour la beauté du geste.
Le film nous fait explorer chacune des vies incarnées par Monsieur Oscar (du tueur à gage, au père de famille en passant par SDF ou encore musicien).
Selon moi, la scène la plus frappante et celle de l'hôtel : M.Oscar joue le rôle d'un vieil homme en train de mourir dans un lit aux côtés de sa nièce Léa (véritablement Élise), il décède à ses côtés, puis après quelques larmes, il se relève puis lui dit au revoir avant d'apprendre qu'elle est comédienne tout comme lui.

Le film explore tout au long de son déroulement, la thématique de tout ce malheureux temps que l'on consacre au travail. À titre personnel durant ces deux heures je me suis demandé quand est-ce que sa journée finirait par prendre fin.

Ainsi en convoquant la musique revivre de Manset, "Revivre" :
"On voudrait revivre.
Ça veut dire :
On voudrait vivre encore la même chose."

Ou encore en humanisant les limousines qui papote entre elles en disant qu'elles sont fatiguées du travail, l'auteur nous donne matière à réflexion quant à nos sociétés modernes.

En conclusion, selon moi c'est une œuvre hors du temps, dotée d'une sensibilité ineffable, qui rappelle que le cinéma parvient toujours à déborder des conceptions de beauté que l'on se fait de lui.

sofion
9
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le 8 févr. 2023

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sofia ehrlacher

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