Hopeless s’inscrit dans la digne lignée du cinéma de thriller coréen actuel, des films noirs où les personnages sont aspirés dans une spirale de violence incontrôlable.
Présenté en 2023 dans la sélection cannoise Un Certain Regard (le film aurait eu tout aussi bien sa place, à mon sens, dans les fameuses Séances de Minuit !), voilà un film à la violence débordante et parfois un peu gratuite qui n’a pas laissé le public indifférent. Rien de plus logique, donc, de retrouver Hopeless quelques mois plus tard en compétition au festival Reims Polar 2024, l’ex-festival de Beaune qui s’est délocalisé depuis 2 ans en pays champenois. [Il faut savoir qu’entre Cannes et Reims, le film a été légèrement remonté, mais je n’ai rien trouvé concernant les différences de montage]
Kim Chang-hoon signe ici son premier film, tant en temps que scénariste que de réalisateur. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son cinéma décape.
Hopeless a été présenté par la critique (et le distributeur du film qui l’a même inscrit sur son affiche) comme le digne descendant des Affranchis de Scorsese. C’est un peu oublier selon moi que Martin Scorsese s’était lui-même inspiré du cinéma coréen de mafia et de gangsters, ainsi que de son prédécesseur le cinéma Hong-Kongais d’avant Rétrocession. A mon avis, Hopeless a plus à voir avec La trilogie de la vengeance de Park Chan-wook par exemple, et plus généralement avec les films de triades ou de syndicats du crime asiatiques, qu’avec les films de gangs de Brooklyn et du New York des années 50.
Le film prend place au début des années 2000 dans une sombre ville sud-coréenne en proie aux querelles de gangs et à la corruption généralisée. On suit le jeune Yeon-gyu, un marginal persécuté sous le joug d’un beau-père alcoolique et violent, en plein échec social et professionnel. L’agressivité latente tout autour de lui pousse le jeune garçon dans le giron d’un charismatique et énigmatique chef de gang : Chi-geon.
Hopeless est un film crasseux, un film (-12 avec avertissement) où le Mal est cru et la violence présentée sans aucun filtre. De la scène d’ouverture, où l’on découvre notre protagoniste Yeon-gyu défonçant le crane d’un camarade de lycée (qui harcelle sa sœur) à coup de grosse pierre, jusqu’aux scènes de torture d’arrachage d’ongles à la limite du supportable, le film est une plongée effrayante dans une spirale sans fond, sans espoirs.
C’est finalement grâce à la mafia, à travers une relation presque tendre qui s’instaure entre Yeon-gyu et Chi-geon, qu’Hopeless laisse enfin son spectateur reprendre son souffle.
Il faut prendre le temps de rentrer dans le film et de s’imprégner de cette ambiance opaque et sans espoir. L’un des principaux points forts est le jeu d’acteur. Hong Sa-Bin, qui joue notre jeune Yeon-gyu, est une relative nouvelle tête dans le cinéma coréen. On a mal pour lui sous la ruée de coups que le pauvre garçon se prend tout au long du film. Son personnage a une très belle évolution, de chien battu à gangster attirant l’intérêt des grands pontes de la mafia. Song Joong-Ki lui, qui interprète le chef du gang local, le mentor de Yeon-gyu, est un visage familier du panorama coréen, l’éternelle baby-face sympathique, que l’on a pu voir par exemple dans Battleship Island et que l’on apprécie ici particulièrement en taiseux au regard envoutant.
Hopeless se permet parfois quelques envolées un peu plus poétiques, à l’image du plan final du film éminemment symbolique, mais reste globalement fidèle à sa promesse de violence froide et crue. Le film souffre évidemment de quelques défauts, des scènes de dialogues un peu longues, des visages somme toute peu amochés aux vues des coups reçus, mais ces imperfections sont vite oubliées devant la qualité globale du film.
Le cinéma coréen (l’un des plus prolifiques et créatifs actuellement) a encore de belles heures devant lui !
[Titre de critique : proverbe espagnol]