Horribilis
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Horribilis

Film de James Gunn (2006)

C'est l'histoire d'une petite ville américaine comme on ne voudrait jamais y vivre, avec ses taudis couleur merde séchée, ses affiches de films des années 50 (alors que s'il y a jamais eu un cinéma ici, il doit avoir mis la clé sous la porte depuis longtemps), ses fêtes toutes pourries de chasse au cerf (on s'occupe comme on peut) et ses habitants tellement beaufs, sales, moches et ignorants qu'ils pourraient sans problème figurer sur une caricature à la Marsault. Des gens zombifiés avant de l'être. Dénonciation classique, il est vrai.


C'est l'histoire d'une météorite numérique qui s'abat sur terre, et dont les restes bizarrement organiques s'implantent en vous pour que vous deveniez leur hôte. Dès lors, soit vous aurez tellement faim que vous vous nourrirez de tout ce qui passe à proximité jusqu'à en avoir le bide plus gonflé que la montgolfier de Phyleas Fogg, soit vous servirez d'incubateur à tout un tas de vermisseaux sanguinolents qui serviront (lorsque la force de leur nombre vous aura fait exploser) à aller infecter d'autres gens.


C'est l'histoire de ces petits vers, bien connus du spectateur accoutumé aux films d'infection virale, qui rampent jusque chez les gens encore sains, infestent leur baignoire et s'agglutinent sous leur lit. Leur destination finale est votre bouche : à peine y sont-ils entrés que vous vous mettez, tel un mystique d'un nouveau genre, à avoir des visions en CGI dégueulasse d'une planète perdue aux confins de l'univers où des créatures ne ressemblant plus que de très loin aux macaques que Kubrick filmait il n'y a encore pas si longtemps luttent pour leur survie (c'est beau). Tout cela pour, in fine, vous pousser à vous fondre dans la grande entité extra-terrestre qui a envahi votre ville et avec laquelle vous ne faites plus qu'un.


C'est, en somme, l'histoire de la vie au sens biologique du terme, de la nature et de la perpétuation des gènes, dont on voit ici qu'elle ne se limite pas à la planète Terre. Si l'homme n'était plus un animal, des êtres tentaculaires se chargent de le renvoyer à cette condition dans les plus brefs délais.


L'histoire que raconte Horribilis l'a déjà été sur tous les tons, souvent avec plus de moyens et d'imagination (on dirait un mix entre "L'invasion des profanateurs de sépultures", toute la filmographie de Carpenter et d'autres nanars plus douteux des années 80). Mais il reste un divertissement d'assez bonne qualité, d'autant plus agréable à voir qu'ils se sait lui-même un peu minable et ne perd jamais une occasion de se moquer de lui-même. C'est très bête, mais assumé comme tel. Par la suite, même si le ton du film gagne en sérieux, il reste toujours un paquet de blagounettes et de réactions décalées pour détendre un peu l'atmosphère. Là où, en outre, le film fait montre d’une profondeur assez inattendue, c’est dans sa réflexion sur le rapport de l’homme à ses instincts. L’instinct sexuel, en particulier, est au centre du film : c’est inévitable, puisque c’est celui qui permet la reproduction…et se reproduire, c’est justement ce que recherche l’antagoniste à la nature non-identifiée qui sème la pagaille dans ce paisible village. Mais bien avant son arrivée, le sexe est déjà présent : les personnages, véritables prototypes de l'Amérique profonde telle que le cinéma nous en montre souvent (le citoyen lambda au nom improbable, le maire salaud et opportuniste avec une grosse montre en or, la prof de lycée sexy, les flics atrophiés du bulbe, la fille de bar qui ne pense qu'à choper du mec...) débitent des dialogues dignes d'une vidéo Youporn, avec des préoccupations qui n'en sont d'ailleurs pas très éloignées. Le sexe est également la raison de la contamination du « patient zéro » de l’histoire : si Grant, l’homme devenu monstre, a été piqué par une entité extra-terrestre, c’est parce qu’il s’était aventuré dans les bois pour « fauter » avec une autre femme après que sa légitime ait refusé de coucher avec lui. Par la suite, juste après sa « contamination » (sa transformation est alors enclenchée, mais pas encore visible), il réussit à avoir un rapport charnel avec son épouse, qui vante auprès de sa collègue de travail des capacités sexuelles étonnamment décuplées.
Le summum d’étrange (et de bizarrement partouzard) du métrage se situe dans un climax mi-horrifique mi-comique, où le monstre fait se fondre en lui ses créatures (dénudées) dans des râles d’orgasmes, tout en n’ayant d’yeux que pour la poupée Barbie qui fut autrefois sa femme, blonde lisse en chemise de nuit immaculée. Il y aurait sans doute bien des choses à dire sur l’opposition entre cette pureté virginale présentée comme dernier bastion d’humanité et cette bestialité primitive parce libidineuse.
Un peu comme le fera un It Follows quelques années plus tard, Horribilis nous dépeint une sexualité monstrueuse, vectrice de mort. Mais est-elle réellement, complètement ainsi, ou est-ce notre regard de créature civilisée qui la fait paraître comme plus dangereuse qu’elle ne l’est réellement ? Cette jeune femme farouche qui n’accepte l’acte charnel que du bout des lèvres n’est-elle pas finalement le personnage le plus insipide, le moins profond de tout le film ? Le plus irréaliste, parce que paraissant dépourvu de toute pulsion animale ? Et finalement, son mari, que nous voyons lutter contre ses pulsions nouvelles pendant de longues séquences avant sa reddition, n’est-il pas plus ambiguë ? Plus complexe ? Plus fragile ? En un mot, plus humain ? Et si, au fond, c’était les créatures les plus humaines les plus susceptibles de se faire infecter-raison pour laquelle les trois « survivants » du massacre tiennent plus du cliché de film d’horreur américain random que de l’être vivant ? Comme si, pour être épargné, il fallait être un archétype sans support, une entité sans épaisseur, sans enveloppe corporelle ou presque ? La question reste ouverte. Quoiqu’il en soit, c’est à un bien horrible (mais fascinant) mélange des corps et échange de fluides (verts, de préférence) qu’Horribilis nous convie. A vous de voir si, oui ou non, vous désirez vous vautrer dedans.

Créée

le 2 juin 2021

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Dany Selwyn

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