Vu à l'occasion d'un ciné-club animé par des étudiants, je me demandais bien ce que ce film pouvait donner. C'était une bonne expérience.
Il se dit que House est totalement expérimental, il a la réputation d'un O.F.N.I (objet filmique non identifié) complètement déconnecté. Et pourtant....
Sorti à un moment où le cinéma japonais peine à se recycler, que la télévision prend peu à peu le pas sur les salles, House constitue une tentative pour la Toho de redresser la barre. Etrange tentative en vérité, qui pourtant fonctionna. Rappelons que le cas n'est pas isolé : déjà la célébrissime Hammer avait fait le pari de l'horreur pour dynamiser les entrées dans un contexte similaire, bientôt suivie par Cinecitta, avec des titres comme Hercule contre les vampires (on voit le potentiel du truc). Voilà pour le contexte.
Maintenant, le film en lui-même : joindre le teenage movie à l'horreur est finalement assez logique. Sans doute que l'adolescence est l'âge où on commence à être fasciné par le corps, et voir tous ces fluides, ces morceaux de corps exposés et l'apprécier semble tout à fait logique. D'où des Vendredi 13, Halloween, même Gremlins ou Scream, et j'en passe. Voilà pour le mélange de genres.
Si on regarde des films de kaiju, on s'aperçoit que le mauvais goût apparent du film est présent dans des productions qui se voudraient sérieuses, et qui ont finalement tout aussi peu de sens que ce qu'on voit dans le film. Il suffit de regarder un Godzilla contre Mothra pour se rendre compte de l'imaginaire pris en compte. Je suppose que le début, sirupeux au possible, avec les effets de ralenti sur la belle-mère, vient aussi d'un genre de cinéma sitcom à la japonaise, mais là je ne fais que supputer. Plus tard, d'autres films utiliseront une approche similaire : pensons par exemple aux Larmes de tigre noir, ou même à Starship troopers, voire à OSS 117. Autant d'approches différentes qui ont gardé le "mauvais goût" d'une matériau initial et l'ont même érigé en principe constitutif. Voilà pour le mauvais goût.
Les yokais sont les esprits japonais. Ils peuvent être bons ou mauvais et interviennent souvent dans les animés, notamment dans les vieilles et mystérieuses maisons de la campagne. Ils peuvent être mythiques, pas aussi familiers. Car un objet patiné par l'usage acquiert une âme et peut devenir un yokai, telle une marmite dans laquelle la grand-mère faisait cuire ses plats, par exemple, après la mort de ladite grand-mère. Et donc, les objets de cette maison, prenant vie, comme un pot à lait ou un piano, cela ne paraît tout d'un coup plus si étrange. Voilà pour l'aspect culturel.
On le voit, House est très expérimental, mais déconnecté de toute réalité, certainement non. C'est en fait un film bien malin je trouve qui, à l'instar de cette maison qui dévore ses visiteurs, avale toutes les influences et les régurgite aussitôt. On y trouvera des effets visuels délirants, des arrière-plans peints en veux-tu en voilà, des comportements complètement exagérés, mais ce n'est, là encore, que les éléments constitutifs d'un genre parodiés à l'outrance.
Par ailleurs, j'aime la scène où les jeunes filles s'imaginent que la tante a fait poser un système permettant de verrouiller automatiquement sa maison. Dans les contes, les maisons qui fonctionnent seules ne manquent pas. Point de rencontre avec la modernité, avec la domotique qui fait son apparition et soudain, effectivement, les maisons peuvent fonctionner seules. C'est maintenant les auteurs de science-fiction qui s'emparent du sujet pour en montrer les dérives, ou simplement pour en dégager une poésie. Dans cette scène, le monde ancien et le monde nouveau coexistent d'une manière simple et finalement, belle et subtile.
Bref, ce film est certes extrêmement expérimental et laissera sans doute la plupart des spectateurs sur le carreau, mais les japonais ne s'y sont pas trompé, qui ont vu ce film en masse. Le pari de la Toho était étonnamment risqué, mais brillamment réussi. Des années plus tard, reste un objet étrange et fascinant, une curiosité à n'en pas douter, mais très plaisante. Je pense toutefois qu'au vu des expérimentations visuelles, c'est un film qu'il faut voir impérativement en salles. J'ai eu cette chance.