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Le malaise a commencé dès la scène d'ouverture. On assiste à l'enthousiasme débordant de trois jeunes filles arrivant dans une station méditerranéenne ultra fréquentée. Ça crie, ça chante, ça hurle et ça suscite volontairement l'agacement du spectateur. La scène est un peu trop familière. Entre jubilations sincères du sentiment de liberté que les premières vacances entre copines entraînent, exagération nécessaire pour afficher son bonheur aux yeux des autres et angoisse naissante de l'inconnu qui se profile... A cela s'ajoute l'excitation du projet, à savoir pour l'une d'entre elle, perdre "enfin" sa virginité. La question du paraître et de l'image infusent le film et ne laisse jamais tranquille. Tara veut en être.


Et ce sont d'autres sensations qui reviennent progressivement pendant le visionnage du film : le mélange d'euphorie et de perdition qui accompagne l'ivresse progressive face à une foule affamée, l'envie de se faire proie et la peur de le devenir... Comme si on me montrait l'envers des meilleurs souvenirs de lycée, rapidement recouvert par le récit extatique des jours d'après.

Tara semble découvrir à la fois la force et l'immense fragilité de son corps de femme, entre volonté de puissance, peur de l'envahisseur et crainte de l'indifférence, du rejet et de la solitude.


L'excitation laisse ainsi rapidement place au malaise lorsque les jeux organisés prennent une tournure de plus en plus sexualisée et sordide. La question de l'injonction se pose sans cesse. A quel moment le désir est-il bien présent ? Pour qui agissent t-elles ? Quand est-ce que l'humiliation dépasse la fierté d'être inclue dans le collectif ?


Vient alors cette scène pivot sur la plage où la parade s'étiole pour une scène brute et glaçante. Zone grise diront certain. Certes, le "oui" a été prononcé mais c'est sans compter le langage corporel soigneusement ignoré malgré la criante vérité qui s'en exprime.


C'est donc sans surprise qu'arrive une deuxième scène dont le doute sur la teneur de l'acte n'est plus permis. On assiste alors à l'errance progressive de Tara qui ne lâche pas la fête pour autant, comme emportée par le tourbillon vertigineux de la nuit. Il vaut mieux être mal accompagnée que seule.


"How TO HAVE sex", l'usage de l'indicatif pointe ici l'ironie cruelle du film, comme autant d'injonctions incontournables pour exister. Prise dans un sentiment d'échec persistant (échec aux examens, virginité vécue comme un fardeau), c'est dans la précipitation que Tara se jette dans le monde adulte encore largement sexiste et patriarcal, sans en dévier les pièges.

Loin du binarisme attendu, la cruauté surgit aussi du côté des filles envieuses pas épargnées par cette compétition sans limite. C'est toute une mécanique qui se dévoile où chacun prend sa part.


Le regard corrosif de la réalisatrice sur notre société s'adoucit toutefois quand le lien se fait plus tendre (séducteur au cœur tendre, amie protectrice, rencontre hasardeuse...).

"Pourquoi tu ne l'as pas dit ?" lui demande t-on. Encore faut-il avoir conscience de ce qui se joue dans ces relations. Et c'est justement par le biais de l'Autre qu'il est possible de s'en extraire (ces ami.e.s. qu'on n'a jamais assez remercié d'avoir tendu la main à temps).


Le voilà ce malaise. Le vague souvenir d'avoir sans doute été à toutes les places sans jamais la possibilité d'une prise de recul suffisante. J'ai beau en savoir quelque chose à présent, avoir écouté, lu, travaillé et parlé longuement de ces sujets, le cinéma a ce don d'ouvrir une brèche, rompre nos certitudes et se rappeler qu'à une époque, nous aussi, on a sans doute fait la fête "à tout prix".

JuliaBall
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le 10 août 2024

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