Avec "Huit et demi", Fellini sonde des profondeurs jusque là rarement visitées par le cinéma (en 1963, au sortir du Néo-réalisme italien et en pleine période des "téléphones blancs", comédies légères et purement distrayantes, "Huit et demi" apparaît d'emblée comme un objet pour le moins radical).
Trois ans plus tôt, Fellini annonçait avec éclat ce que serait son cinéma, son œuvre à venir, avec "La Dolce vita", film programmatique, prophétique du Fellini circus, ce barnum où les monstres côtoient les prix de beauté, où les caricatures tutoient les gravures...
Avec "Huit et demi", Fellini entame en direct une psychanalyse, sous le regard ahuri du spectateur peu habitué à un tel spectacle.
Car de quoi nous parle ce film ? Des affres de la création ? Oui, bien sûr : Guido Anselmi (merveilleux Marcello Mastroianni, plus que jamais double de Fellini), cinéaste en panne d'inspiration, pense se ressourcer au calme. Seulement voilà : débarquent son producteur, son actrice, sa femme, sa maîtresse... Il sera même visité par ses parents pourtant défunts.
Mais, au-delà d'Anselmi, Fellini se livre à une réflexion sur le cinéma en tant qu'art, en tant que moyen d'expression. S’il n’est pas le premier à prendre pour sujet de son film le cinéma (d’autres l’ont brillamment précédé, notamment à Hollywood : "Sunset Boulevard", "Eve", "Les Ensorcelés"... pour ne citer qu'eux), Fellini innove cependant dans la forme : l’ouverture (magistrale et fascinante scène de rêve/cauchemar), positionne "Huit et demi" dans une veine psychanalytique. Tout au long du film, on sentira poindre le fantôme de la comédie : en effet, sur le papier, tout concourt à faire de "Huit et demi" une de ces fameuses et tonitruantes comédies à l’italienne qu’il ne sera pourtant jamais, jusqu’au bout.
Au lieu de cela, on a quelque chose de bien plus passionnant : un no man’s land où les morts parlent aux vivants et où tout se termine en musique (mythique B.O. de Nino Rota).