Auréolé d'une jolie Caméra d'or au festival de Cannes 2008, le premier film de l'artiste plastique Steve McQueen sublime l'importante grève, d'abord de l'hygiène puis de la faim, donnée lieu par un groupe de prisonniers mécontents de l'Armée républicaine irlandaise provisoire à la prison irlandaise de Maze, aboutissement au conflit nord-irlandais dont les premiers émois sont survenus au début de la décennie 1970. La caméra nous en fait suivre les moindre faits et gestes sous la houlette du meneur de l'Armée républicaine Robert Sands (Michael Fassbender), dont la mort ne laisseront indifférents la cause républicaine et la distinction des prisonniers politiques.
Hunger, non-content de seulement relater un troublant fait divers dans sa stricte neutralité, se révèle d'une étonnant rare pour la nécessité de ses choix artistiques.
À lui seul, le plan-séquence dégage toute la puissance du propos du film de McQueen ; un quart d'heure en plan fixe durant lequel par une prestation bouleversante, le héros politique adulé post-mortem incarné par Fassbender dialogue avec le prêtre du centre de détention (Liam Cunningham). Tour à tour avec lui-même, le présent prêtre et une certaine unité chrétienne, le fier représentant de l'IRA, sous la fumée de sa cigarette, fait part de ce qui le motive à mener à bien cette grève de la faim qui aura raison de lui au bout de 66 jours. Et pour cause: rendre aux hommes ici présents non pas leur liberté, mais leur dignité humaine, brisant le tabou que représente l'univers carcéral et ce qu'il évoque.
Au bout de la quinzième minute, un puissant (contre)champ prend le pas sur le plan-séquence, exposant de surcroît la détermination psychologique de rigueur et le devoir de républicain affirmé.
Alors, se déploient toute l'ambition, la détermination, la chaleur de liberté défendus de plein fouet par Bobby Sands. C'est sans nulle doute l'unique instant de clarté dans tout ce zoo dont Hunger nous fait part. Avant et après le plan-séquence du dialogue entre l'homme et le prêtre, partent en éclat les différentes évocations du milieu carcéral tant la noirceur esthétique et l'austérité psychique représentée s'avèrent au delà de nos a priori. Mais l'effet de longueur, voire ennui que provoque cet hypnotique échange, à l'image de l'ensemble du film, ne relève-t-il pas d'une certaine impossibilité à traduire la rage du peuple du plus profond de son être ?
Par-delà la force du discours politique, le film gagne en intensité avec ses allusions religieuses certes sous-jacentes mais quasi omniprésentes ; le début met en scène une suite de héros politiques à la silhouette jésuite, malmenée par une justice aux valeurs contraires autant qu'elles s'avèrent contradictoires.
S'il souffre de quelques longueurs et maladresses dans le noircissement de son sujet, Hunger n'a pas volé son statut de film coup de poing, de bon trip antisystème remettant les pendules à l'heure au sujet des valeurs (humaines autant que politiques), né du désir d'un cinéaste de filmer les individus plutôt qu'un background impossible à capter à l'état brut. Objectif atteint.