En préambule, je précise qu'il me semble découvrir à la fois Henri Verneuil et Yves Montand avec ce métrage. J'y ai trouvé un film bancal de bout en bout mais sympathique ; néanmoins la généreuse note moyenne qu'on lui attribue sur senscritique m'oblige à réagir.


Commençons par les décors : je pensais que l'action se passait aux États-Unis (la référence à l'assassinat de JFK, le dollar, les uniformes, les gratte-ciels, les grosses voitures dans les grandes avenues, etc.) et je trouvais singulier d'y jouer en français avec des Français (il me semble même qu'un journaliste travaille pour le journal France quelque chose). En fait, il s'agit d'un pays fictif. Le résultat est un peu maladroit mais je lui trouve un charme désuet donc passons.


Le jeu d'acteur, ensuite, est moyen : les dialogues sont trop nets, on dirait que les personnages récitent leur texte et qu'ils savent exactement où ils vont, ce n'est pas naturel. Mais c'est un défaut qu'il est difficile de démontrer et un mauvais jeu d'acteur ne fait pas nécessairement un mauvais film, donc passons au point essentiel du film et de sa critique : le scénario.


Attention : tout le reste n'est que spoiler


Les bases du film sont les suivantes : le président est assassiné en public à la manière de John Fitzgerald Kennedy aux États-Unis (1963). Le tueur présumé, aperçu par un témoin à la terrasse d'un immeuble, est retrouvé mort dans l'ascenseur dudit immeuble. Une commission d’enquête est nommée pour tirer l’affaire au clair. Ses conclusions sont que le président a été tué par un déséquilibré qui s’est suicidé aussitôt son forfait accompli. Seulement voilà : un des membres de la commission, un procureur joué par Yves Montand, refuse de signer les conclusions du rapport.


I… comme Icare se propose de révéler la mécanique implacable d’un complot à travers l’enquête d’Yves Montand, mais il le fait maladroitement en multipliant les incohérences, les circonstances improbables et les coups de chance monstrueux, ce qui fait qu’on n’y croit pas du tout – ou plutôt qu’on ne devrait pas y croire, au vu de la popularité du film.


Tout commence avec le débat télévisé dans lequel Yves Montand est sommé de s’expliquer en direct devant les autres membres de la commission. Yves Montand accuse alors le président de la commission d’avoir reçu l’ordre d’orienter l’enquête vers des conclusions prévues à l’avance. Première incongruité : au lieu de s’offusquer, l’intéressé ne répond que par un silence embarrassé. Yves Montand en profite et déclare : « Si vous niez, vous prenez le risque que je dévoile ici même une preuve de votre implication ». C’est du bluff, il ne détient aucune preuve (d’ailleurs on ne saura jamais d’où lui vient cette information), mais le président tombe dans le panneau et – deuxième incongruité – avoue, en direct ! Un personnage public ne fait jamais cela : il s’insurge, crie à la diffamation, si un document est dévoilé il crie à la fabrication de preuves et au complot, mais jamais il ne jette l’éponge au début du premier round sur un plateau de télévision.


Suite à cet épisode, Yves Montand se voit confiée la direction de l’enquête. Il commence par ce qui est présenté comme une nouveauté : regarder les images des équipes de télévision du jour du meurtre. La précédente commission (à laquelle il a participé, rappelons-le) n’y aurait pas pensé ? De toute façon les images ne sont d’aucune aide puisqu’un câble avait été accidentellement débranché par la foule juste avant le meurtre. Yves Montand fait donc appel aux amateurs qui auraient filmé l’événement : il finit par obtenir une vidéo tellement réussie que non seulement on voit l’assassinat, mais en plus au moment des coups de feu le film change de plan pour un zoom sur le président depuis un autre angle de vue ! Personnellement je ne sais pas faire ça.


Mais l’important n’est pas le meurtre, mais la suite : le caméraman se retourne et filme l’immeuble d’où ont été tirés les coups de feu. Bien sûr, la séquence est courte et l’image tremble car il est bousculé, mais Yves Montand détecte tout de même une anomalie et demande un ralenti : en effet, on aperçoit un tireur derrière une fenêtre, et non pas sur la terrasse où était posté le meurtrier présumé. Une fenêtre scellée que les balles n’ont pas trouée d’ailleurs.


Ces révélations poussent Yves Montand à s’interroger sur la culpabilité réelle du tireur retrouvé mort dans l’ascenseur. Il arrive rapidement à prouver que s’il était bien présent sur cette terrasse avec un fusil, ce ne sont pas ses balles qui ont touché le président : il n’était là que pour faire diversion et on l’a abattu une fois le meurtre accompli. Mais qu’est-ce qui peut pousser un homme à se rendre sur la terrasse d’un immeuble pour faire semblant de tirer sur le président ? Bizarrement, la promesse d’une forte somme d’argent ne semble pas être une option envisageable, alors Yves Montand interroge un psychologue qui lui répond : la soumission à l’autorité. S’ensuit une longue illustration de l'expérience de Milgram, très didactique mais un peu casse-couilles pour qui la connaîtrait déjà, surtout devant un psychologue qui ménage son suspense et ses effets (avec une voix caverneuse : « Monsieur le Procureur, vous, c'est à 180 volts, que vous avez réagi » – SUBTILITÉ).


Mais à quelle autorité notre faux-tireur s’est-il soumis ? Réponse : aux services secrets. En effet, Yves Montand a appris que parmi les spectateurs du meurtre se trouvait un criminel notoire qui a échappé plusieurs fois à la prison grâce à l’intervention d’un membre haut-placé des services secrets. S’il s’avérait que ce criminel est impliqué dans le meurtre – et il l’est – reconnaissons que sa présence était pour le moins imprudente, surtout pour une opération chapeautée par les services secrets. Mais passons : Yves Montand décide d’envoyer ses hommes fouiller les appartements du fameux membre haut-placé susmentionné. Ne trouvant rien, ces derniers décident de faire sauter le coffre, mais il faut pour cela couvrir le bruit de l’explosion. La solution trouvée est de passer une cassette audio trouvée dans une étagère à toute blinde, ce qui à mon avis attirera tout autant l’attention des voisins. Or – quelle chance ! – la cassette contient entre deux concerts un enregistrement codé inaudible. Nos cambrioleurs considèrent qu’ils ont trouvé ce qu’ils voulaient et quittent les lieux pour remettre la cassette à Yves Montand.


Ce dernier passe le reste de la nuit à écouter la cassette en modifiant la fréquence et la vitesse de défilement, ce qui altère l’enregistrement mais n’influe en rien sur la musique située avant ou après : c’est la magie de la musique d’Ennio Morricone (très réussie par ailleurs). Finalement, le message devient audible : il s’agit de rapports de mission révélant l’implication des services secrets dans différents troubles à travers le monde. Enfin, on apprend qu’aujourd’hui avant minuit doit avoir lieu l’opération I comme Icare. Yves Montand téléphone alors à sa femme pour lui demander ce qu’elle sait d’Icare « en dehors du mythe que tout le monde connaît bien sûr ». Et sa femme, qui n’a visiblement rien compris, de lui raconter le mythe d’Icare et de lui livrer cette interprétation époustouflante d’originalité : Icare se brûlerait les ailes car il s’approcherait trop près de la vérité. Et pendant ce temps, PAN !, Yves Montand est abattu d’un tir de fusil : c’était lui Icare. Quelle ironie !


Cette histoire est cousue de fil blanc et ne tient pas debout. La seule scène forte à mes yeux est celle où sur fond d’images de révolution dans un pays étranger et sous l’envolée musicale d’Ennio Morricone, Yves Montand découvre l’étendue des implications des services secrets – et non pas la scène de l’expérience de Milgram sur laquelle nombreux s’extasient. Mais en même temps, il semble invraisemblable de conserver des rapports de missions top secret, même codés, sur une cassette audio à la vue de tous.
« Ça alors Jean-Louis, tu as le concert des Doors en cassette ! Tu me la prêtes ?
— Heu… non ? »


Le succès de ce film (qui n’est pas mauvais, juste complètement bancal) m’est incompréhensible. Mais je le mettrais volontiers sur le compte de la fascination que les gens peuvent avoir pour les théories du complot. Comme ce film, même si elles sont bancales, les gens ont envie d’y croire.

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le 17 janv. 2017

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