Le film "I comme Icare" démarre sur une citation de Boris Vian.
"cette histoire est entièrement vraie puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre". Ok, nous avons bien compris le message. Verneuil effectue une transposition de l'assassinat de JFK à Dallas à un pays imaginaire en 1979 et tient à conserver les mains libres.
C'est un bon film superbement réalisé avec un Verneuil à la manœuvre en 1979, c'est-à-dire dans la dernière partie de son immense carrière. En 1980, il en raflera d'ailleurs la plupart des Césars (scénario, film, musique, acteur, etc ).
La musique d'Ennio Morricone ajoute une note de stress à l'ensemble du film, du thriller pourrait-on aussi dire.
C'est un film où on ne s'endort pas si tant est qu'on soit pris dans l'engrenage de cette enquête.
Donc je dis que c'est un tellement bon film que si je m'arrêtais tout de suite, je mettrai 10 sans hésiter.
Mais voilà, le problème, c'est que c'est un film que j'ai vu bien des fois, la première fois au cinéma (dont j'étais sorti ébloui) puis à la télé et maintenant en DVD. Autant dire que je le connais plutôt bien.
Au point que je m'amuse maintenant à en découvrir les grosses ficelles.
Parlons du scénario d'abord. Il a été construit patiemment par Verneuil lui-même en collaboration avec Didier Decoin, une pointure. Et d'ailleurs, Verneuil nous sert un scénario habilement travaillé dans le détail.
Et pourtant, il n'empêche que le début n'est pas crédible. En effet, que quelqu'un participant à une commission d'enquête qui dure un an, ne dit rien pendant un an sous prétexte que c'est l'enquête et qu'à la fin exprime qu'il n'est pas d'accord, médiatiquement de surcroît, n'est pas très crédible.
J'imagine une situation équivalente aujourd'hui : pour moins que ça, on ne se ferait pas faute d'invoquer des visées personnelles au procureur Volney, égratignant l'image de l'intégrité absolue. De fait il n'aurait pas fallu grand-chose à modifier pour rendre plus convaincant ce démarrage en fanfare.
Ensuite, le scénario fait le choix du one-man-show du procureur Henri Volney dans lequel l'acteur Montand va se délecter et en profiter pour pontifier un chouïa.
Pour moi, le scénario me semble faire un raccourci. Bien entendu, que le procureur, qui a les pleins pouvoirs pour reprendre l'enquête, est sûrement un être supérieurement doué qui a des idées, qui connait bien tous les dessous de ses dossiers, qui a l'expérience qui convient. Mais ce que montre le film c'est que cette personne est à l'origine de "toutes" les trouvailles, de "toutes" les pistes poursuivies. En somme, il est omniscient et son équipe ne sert qu'à poursuivre les pistes qu'il lance. Là encore, le film aurait gagné à mieux répartir les "poids" des individus dans l'équipe.
On n'est pas ici dans une enquête du commissaire Maigret sur une affaire complexe, certes mais "locale". On est au contraire dans un cadre complexe très ouvert avec des intérêts multiples, des entités qui avancent masquées, des pouvoirs occultes ou officiels au moins aussi importants que celui détenu par Henri Volney. Cela nécessite forcément des hautes compétences variées à mettre en valeur pour accompagner le procureur. Même à la fin, c'est Montand qui décrypte lui-même le fameux message... C'est juste too much pour un seul homme.
Il y a un passage franchement intéressant et très bien mené qui est l'enquête psycho-sociologique du professeur Naggara (Robert Planchon) sur "la soumission à l'autorité" qui concerne plus particulièrement l'assassin présumé du président. Elle est un peu hors sujet pour ce qui concerne le fond de l'enquête qui conduit à une forme de complot à la tête de l'Etat. Mais c'est égal, le message subliminal sur la responsabilité individuelle dans le cadre d'un génocide par exemple, est toujours bon à prendre.
A noter dans cette séquence, l'excellente prestation à contre-emploi de Jacques Denis.
Parmi les seconds rôles, il y a Pierre Vernier qui a connu son heure de gloire dans Rocambole et qui a été un excellent second rôle dans de très nombreux films. On aurait aimé que son rôle ici soit un peu plus étoffé pour contrebalancer le poids du procureur.
Roland Blanche fait une très bonne prestation, pleine d'humour, de cambrioleur au service de l'enquête...
Au final, "I comme Icare" est un film policier intéressant sur l'analyse d'un crime politique et ce que ça peut couvrir. La réalisation de ce film est très efficace et rend le film captivant malgré l'omniprésence et omniscience de Yves Montand.
C'est une bonne illustration du mythe d'Icare.