Comme l'Impasse ou Apocalypse Now, Il était une fois en Amérique est généralement considéré comme un chef d'oeuvre marquant du 7ème art. Même si j'ai beau multiplier les visionnages (pour m'assurer que je ne passe pas à côté de quelque chose), je n'arrive pas à catégoriser ces films comme tels.
Au regard de la durée d'Il était une fois en Amérique et des thèmes évoqués, je vais tenter de structurer ma critique en 3 parties principales.
1/ Sur l'histoire en elle-même et son traitement
Pour moi c'est le maillon faible du film. Un constat se pose d'emblée : Il était une fois en Amérique est trop long et un poil "neurasthénique" (forcément : un homme âgé amer fait le bilan de sa vie manquée et repense à périodes clés qui sont autant d'occasions manquées). Cela implique une attention continue du spectateur sous peine de facilement décrocher.
Mélancolie prononcée et durée conséquente (3h48) cohabitent difficilement, en dépit de certaines scènes marquantes (surtout dans la "période 1922" et notamment
la mort de Dominic
). De de fait le film manque de consistance, et les scènes se succèdent parfois avec un manque de liant, sans que les histoires soient toujours très intéressantes (je pense à l'arc narratif autour de la protection du syndicaliste).
Je tente une comparaison avec le Parrain (même si l'exercice peut sembler vain) pour moi un véritable monument du 7ème art. Des passerelles peuvent être établies en raison des thèmes évoqués, de l'ambiance du film, de certains acteurs communs aux 2 films, de l'origine italienne des réalisateurs.
L'une des réussites du Parrain est selon moi la présentation et la mise en place (et sur une durée plus courte) d'une véritable famille au sens classique, avec des liens forts et puissants, autour de laquelle gravitent des personnages secondaires voire tertiaires consistants et marquants.
Dans Il était une fois ... le trio de de Niro / Woods / McGovern monopolise quasi-exclusivement l'ensemble des enjeux et des histoires (surtout dans les périodes "1933" et "1968"). La durée conséquente du film aurait dû permettre une meilleure mise en valeur des personnes à leurs côtés.
Ce constat est très marqué pour les 2 autres membres de la bande Cockeye et Patsy aux profils plus suiveurs, donnant l'impression d'être là un peu par hasard.
La différence de traitement avec Woods est flagrante, lui qui brille par son intelligence et son sens politique, pour naturellement s'imposer comme le leader de cette bande. Tant de déséquilibre pose la question : comment cette organisation criminelle florissante ait pu durer 10 ans sans se déchirer ?
D'autant que des indices sont glissés dans le film sur la personnalité manipulatrice de Woods et son goût pour l'illusion et la tromperie, avec notamment la scène de la fausse noyade.
Une incohérence m'a également dérangé :
comment expliquer le fait que Noodles n'ait jamais vu le visage de Max dans les journaux ou à la télé alors qu'il occupe une place politique de premier plan et se trouve au coeur d'un scandale politique couvert par les médias ? Leone étant généralement méticuleux, je m'étonne de la présence de cet élément peu crédible.
Enfin, et je vois cela avec mes yeux de 2022, mais la place réservée aux rôles de femmes m'a dérangé : soit objet sexuel soit condamnée à des rôles secondaires, Leone aurait pu leur accorder une place plus valorisante.
Il est d'ailleurs symptomatique de constater que deux scènes fortes du film soient deux scènes de (quasi-)viols.
Si je compare encore une fois avec le Parrain, Talia Shire et Diane Keaton bénéficiaient de rôles plus développés et plus forts, étant plus maîtresses de leur destin et de leurs décisions.
Enfin, je relève un procédé qui m'a beaucoup plu (comme souvent au cinéma) : la scène de l'attaque fatale est très souvent évoquée mais jamais montrée. Un excellent moyen de laisser libre cours à son imagination et donner de l'épaisseur au film.
2/ Sur les personnages et le jeu des actrices et acteurs
Robert de Niro et James Woods dominent de très loin le reste du casting. J'ai également beaucoup apprécié le charisme et l'énergie de Joe Pesci dans une unique mais marquante scène. Elizabeth McGovern a un jeu un peu raide et emprunté à l'inverse de la jeune Jennifer Connelly, plus spontanée qui apporte émotion et force à son personnage et qui est pour moi une excellente surprise.
De même, j'ai beaucoup apprécié le rôle de l'actrice Tuesday Weld (que je ne connaissais pas), étonnante de fêlure derrière son apparence de nympho complètement délurée affranchie de toute morale.
Enfin, le jeu des acteurs William Forsythe et James Hayden est assez fade - ils auraient pu être aisément inter-changés avec d'autres acteurs. Leurs personnages vus comme de simples faire-valoir auraient dû être plus étoffés pour que le gang gagne en équilibre et osmose. Ce que la période "1922" (la plus réussie selon moi) réussit plutôt bien à faire avec une mise en avant plus équilibrée de chacun des personnages du gang.
Un élément significatif : les personnages ne sont pratiquement jamais nommés sur 3h48 (hormis évidemment Noodles et Max), fait étonnant et qui rend difficile au début l'identification de chacun. Cela renforce pour moi la prédominance que Leone a souhaité donner à ses deux interprètes masculins principaux.
3/ Sur la réalisation et la forme plus généralement
C'est assurément le point fort du film qui explique notamment son statut de "monument". La réalisation de Sergio Leone est extrêmement soignée, accordant une très grande importance aux détails (la fumée qui sort des bouches d'aération dans New York, les publicités affichées dans la rue, les devantures des magasins) surtout dans la "période 1922".
Le film fait penser parfois à une succession de tableaux de scènes de vie, dans le style ultra-réaliste du peintre Edward Hopper. New York (bien que jamais nommée) constitue donc un personnage à part entière de ce film.
La musique et son thème central empreint d'une mélancolie profonde sont beaux bien qu'un peu répétitifs sur 3h48. Comme pratiquement chaque moment important du film est associé au thème principal, la musique perd progressivement de son impact et alourdit le film à mesure que l'on progresse dans l'histoire.
Une remarque sur la dernière image du film : le gros plan sur le visage de Noodles est poignante et suscite une véritable émotion à l'état pure. J'aurais aimé qu'Il était une fois en Amérique explore davantage cette voie de l'émotion (autre que la nostalgie et la tristesse) pour mieux « vivre » le film
et non simplement le « regarder ».