"Il était une fois la révolution" met les pieds dans le plat. Son propos n'est ni poli, ni politiquement correct. Qu'est-ce que la révolution ? Un concentré de haines engendrées par une violence institutionnelle. Celle des Anglais occupant l'Irlande et les Irlandais. Et la violence des élites mexicaines qui méprisent et maltraitent le peuple. Pour représenter la Révolution, Sergio Leone compare les révolutions irlandaise et mexicaine. John Mallory (James Coburn), personnage symbolique, participe aux deux révolutions comme spécialiste en explosifs. La dynamite devient un symbole révolutionnaire par sa puissance destructrice radicale.


Le premier quart d'heure nous plonge dans un western spaghetti classique. Juan Miranda (Rod Steiger), Messie d'un gang d'une douzaine d'enfants naturels, pratique le vol comme une vengeance sociale. Les scènes où il s'empare d'un convoi de riches pour les dépouiller sont mémorables. Juan vole uniquement pour son compte et déteste la révolution en cours. Les gens instruits entraînent une foule de pauvres à la révolte et au massacre par l'armée. Les choses vont se gâter quand Miranda, malgré sa lucidité, croise la route de John Mallory...


Cet ancien membre de l'IRA, Européen cultivé, snobe le détrousseur de diligences, avant d'accepter son offre. Juan rêve depuis l'enfance de vider les coffres de la banque centrale de Mesa Verde... Leur association s'avère fructueuse mais leur réserve de cruelles désillusions. Ils infligent des revers humiliants au colonel Günther Reza (Antoine Saint-John), commandant des troupes gouvernementales mexicaines. Obsédé de vengeance, l'officier les poursuit d'une haine implacable.


L'œuvre de Sergio Leone est d'un triple intérêt historique, psychologique et politique. La confusion d'une guerre civile permet tous les abus : violence déchaînée, torture, fusillades incessantes... Par la torture des chefs révolutionnaires, le pouvoir pousse à la trahison, recueille des informations cruciales pour ses fusillades de masse. John Mallory revit au Mexique en 1913 la trahison de son ami nationaliste en Irlande. Son expérience lui permet d'anticiper les opérations de répression, lui donne un coup d'avance sur Günther Reza.


Cette fresque épique brasse les foules balayées par l'ouragan de la révolution. Deux moments de bravoure sont spectaculaires : la défense d'un pont contre l'armée de Günther Reza, avec deux mitrailleuses et une surprise meurtrière... Et l'attaque d'un train militaire grâce à une locomotive "kamikaze", avec explosions, déraillement et mitraillage des survivants...


Un bémol maintenant. L'abus des gros plans de visages m'a parfois gêné. Cela vire au tic quand le procédé devient systématique, se prolonge trop... Je pense à plusieurs scènes où la caméra s'attarde sur le visage de Juan Miranda pour capter ses émotions : incompréhension, désespoir... Le face à face avec le gouverneur, terrorisé par l'arme de Miranda, dont le visage ruisselle de gouttes de sueur, caricature ce type de procédé. Va-t-il tirer ? Oui ? non ? L'Ange de la Mort bat des ailes. Va et vient interminable entre Miranda et le gouverneur... Le cinéaste aurait pu éviter ces complaisances au montage. Voilà pour le bémol aux louanges.


Un homme peut-il résister à deux révolutions ? Sergio Leone en doute. Le rouleau compresseur révolutionnaire est impitoyable. La haine accumulée par les belligérants les jettent dans un cercle vicieux, dégradent les humains en démons exterminateurs. Viva la muerte ! est un slogan révélateur. John Mallory, survivant de la révolution irlandaise, l'avoue au "héros" mexicain Juan Miranda : "J'ai cru en beaucoup de choses, maintenant je crois en la dynamite".

lionelbonhouvrier
8

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le 21 août 2020

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