Un professeur d'une école maternelle se voit reprocher par sa femme de ne pas avoir assez d'argent ; elle va vouloir en gagner à son tour en travaillant dans une des usines à chaussures de Vigevano, ce qui va plonger cet homme dans un questionnement moral.


Tourné en 1963, Il maestro di Vigevano, jamais sorti en France, symbolise le renouveau économique italien où les gens s'équipaient en électroménager, pouvaient avoir des loisirs et partir en voyage le dimanche. En bref, échapper à vingt années de fascisme et après une guerre qui avait laissé le pays dans un état exsangue. L'épouse, jouée par Claire Bloom, représente ce nouvel état d'esprit, qui revendique sa liberté en voulant jouir elle aussi de l'argent dont elle manque, de parader avec des bijoux... Tout ce que ne lui offre pas son mari, formidable Alberto Sordi, car lui est resté plus traditionnel, et croit-il qu'il peut subvenir aux besoins de sa femme et son fils avec son maigre salaire.


Dans le film, on suit en particulier Sordi, qui est le portrait du personnage soumis non seulement à l'autorité et aux brimades de son instituteur, qui le rabaisse constamment, que ses collègues professeurs ignorent, mais aussi à sa femme, qui va vouloir acquérir une indépendance financière en travaillant comme ouvrière. C'est un homme petit, qui n'arrive pas au fond à se développer, mais dont l'émancipation de sa femme, au fond, il ne la voit pas arriver, comme une lame de fond.
Ce professeur n'a pas vu le changement arriver, et on voit ça aussi dans le film, que je trouve magistral, car au départ, ça ressemble à une comédie, avec une introduction ironique présentant dans un style documentaire la ville de Vigevano, pour aller petit à petit vers le drame. C'est vraiment fait de façon imperceptible, et il faut souligner le travail de Sordi, qui d'un bonhomme jovial, passe pour un être faible et geignard.
Claire Bloom, alors la compagne de Sordi, incarne le Changement, une femme qui ne veut plus être au foyer, et là aussi, elle a une évolution dans le jeu pour le meilleur et le pire.


Quant à la mise en scène d'Elio Petri, elle est vraiment impressionnante, avec ces plans larges qui semblent enfermer le pauvre Sordi, et une géniale utilisation de plans-séquences où, à la suite d'une forte fièvre, il délire sur la présence de sa femme et son fils qui l'aiment comme il est alors que ça n'est pas le cas.
Il y a tout de même des éléments comiques comme le moment où Sordi va lui aussi travailler dans la cordonnerie, pour suivre sa femme, et abandonner sa vocation de prof, mais on voit qu'il n'est pas fait pour ça, faisant exploser les machines, et une toute petite blessure au doigt va lui octroyer un énorme pansement sur la main entière !


On rit, on est ému, on assiste au fond à une révolution industrielle ET sexuelle, sans doute le reflet d'une époque. Mais c'est aussi un film magnifique, où la fin, très ouverte, peut être prise comme un échec ou un renouveau. Belle audace d'Elio Petri et ses scénaristes, les fameux Age & Scarpelli, pour quelque chose de très fort.

Boubakar
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le 13 avr. 2019

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Boubakar

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