Rome, mai 1946. On suit les longues journées de Delia, travailleuse invisible, mère de famille et épouse malmenée par son mari Ivano.

Le jeu de Paola Cortellesi est d'une intensité remarquable: on éprouve avec elle l'effroi, l'espoir, la révolte. On veut lui crier de courir loin tout au long du film, et on s'inquiète pour sa fille, Marcella, également superbement interprétée par Romana Maggiora Vergano.

Le talent de la réalisatrice est de frapper le spectateur par l'aggressivité du patriarche qui règne dans le ménage, sans jamais une séquence qui soit visuellement choquante. La scène la plus insoutenable est celle de la danse, qui dévoile la violence, paradoxalement, avec une grande douceur et une certaine poésie.

Le film sonne aussi très juste car, malheureusement, il ne montre pas de solidarité entre les femmes, mais plutôt une résignation sourde. Mis à part la postière et son amie Marisa, Delia a peu d'alliées. En outre, les femmes gagnent souvent du terrain seulement "grâce" aux hommes qui leur prêtent main forte (exemple: le soldat américain et l'incident du café).

J'ai trouvé génial le symbolisme travaillé qui évolue avec les rapports de pouvoir. Evidemment, le puissant geste de l'effacement du rouge à lèvres, signe de soumission devenu symbole de l'émancipation de toutes les femmes. Avec ce geste les vécus de la mère et de la fille se font écho. De même, plusieurs scènes du début du film, dans lequel Delia est seule, ignorée, absente de la vie publique (lors de sa longue marche pour aller travailler par exemple), trouvent un miroir dans la scène finale, dans laquelle elle est finalement regardée, reconnue et protégée.

Soit, on aurait pu se passer de certaines scènes un peu lourdingues (que penser par exemple du moment "Caprice des Dieux" avec le chocolat..?), mais dans l'ensemble, c'est un superbe film. La photographie en noir et blanc parfait le décor, le dialecte romain est un délice, et enfin la chute est un effet de surprise réussi.

Bref, une ode aux droits des femmes dont je suis sortie tremblante d'émotion. Bravissima Paola!!!

Mathou0511
9
Écrit par

Créée

le 22 févr. 2024

Critique lue 2.3K fois

64 j'aime

1 commentaire

Mathou0511

Écrit par

Critique lue 2.3K fois

64
1

D'autres avis sur Il reste encore demain

Il reste encore demain
Yoshii
8

Des lendemains qui tabassent

Sorti en Italie au cœur de la vague d'indignation suscitée par l'assassinat de Giulia Cecchettin par son ancien petit ami (le 106ème féminicide en 2023 de l'autre côté des alpes), "C'è ancora...

le 12 mars 2024

88 j'aime

3

Il reste encore demain
Big-kahuna
10

Barbie n’a qu’à aller se faire voir

Ce film sort officiellement en France le 13 mars soit dans plus d’un mois a l’heure où j’écris cette critique. Alors, me demanderez vous, comment diable ai-je fait pour voir ce film, dans un cinéma...

le 7 févr. 2024

79 j'aime

Il reste encore demain
mermed
9

Une raclée familiale...dansée

Avec sa référence immédiate à des instantanés précis du néoréalisme (des femmes observant avec colère la rafle allemande dans Rome, ville ouverte, la détermination de Maria Ricci quand elle sacrifie...

le 14 mars 2024

65 j'aime

3

Du même critique

Lady Bird
Mathou0511
7

Drôle et nostalgique

Laby Bird capture avec une profonde sensibilité la transition de l’adolescence à l’âge adulte, tout en ironisant avec adresse sur les lieux communs du « teen film » américain.Le personnage principal,...

le 9 déc. 2023

2 j'aime

La Cité de Dieu
Mathou0511
8

Le soleil brille pour tout le monde ?

Un film puissant, rythmé, cru, qui dépeint l’escalade de la violence d’une guerre de gang dans la Cidade de Deus dans les années 1960 et 70. La photographie est remarquablement colorée et la mise en...

le 2 déc. 2023

1 j'aime

1

The Old Oak
Mathou0511
8

Film de gauche

The Old Oak se présente comme une fresque sociale ancrée dans un petit village du nord de l’Angleterre, laissé à l’abandon suite à la fermeture des mines de charbon dans les années 1980. Les...

le 20 nov. 2023

1 j'aime