Xavier Giannoli, j'aime beaucoup. Certaines titres plus que d'autres, évidemment, mais c'est toujours la promesse d'un vrai moment de cinéma à travers le regard d'un réalisateur ambitieux, abordant des sujets souvent passionnants. « Illusions perdues » ne fait pas exception, cette seconde adaptation de l'année d'Honoré de Balzac brillant aussi bien par son caractère littéraire que cinématographique. Si j'ai pu être dubitatif au sujet de la voix-off au début, celle-ci trouve finalement sa place et sa cohérence assez vite, présente sans être omniprésente et permettant de mettre en lumière des éléments qui auraient peut-être été difficilement compréhensibles sans elle.
Luxueuse sans être tape-à-l'œil, la réalisation du cinéaste sert admirablement le projet, donnant par moments à ce portrait « ascension et chute » des faux airs de « Barry Lyndon ». S'il est aisé de faire un parallèle entre la presse à scandale de l'époque et les chaînes d'informations continues faisant leurs choux gras de la moindre polémique sans intérêt, celui-ci est suffisamment habile pour ne pas être surlignée, préférant se plonger avec délectation dans les milieux de l'époque où peu sont épargnés, le cinéaste renvoyant quasiment dos-à-dos gouvernement et « libéraux », tout en offrant une galerie de personnages extrêmement bien écrits, où chacun a sa place et, surtout, un rôle à jouer. Cela faisait même bien longtemps que je n'avais pas vu autant de protagonistes intégrés aussi intelligemment, enrichissant aussi bien le parcours personnel du héros qu'un récit foisonnant et souvent captivant (les coulisses du théâtre de boulevard sont notamment présentés avec une acuité saisissante).
Peut-être à cause de la fatigue, certains détails, transitions, sous-intrigues m'ont parfois échappé, affectant légèrement ma compréhension. Mais c'est si peu comparé à la beauté du spectacle, l'excellence de l'écriture au scénario comme aux dialogues, le sens des situations, les relations toujours complexes entre les différents personnages... Une fois n'est pas coutume, un réalisateur a su s'emparer à bras-le-corps d'un sujet passionnant pour en faire une œuvre qui l'est tout autant, portée par un casting souvent inattendu mais réussi (dont un Gérard Depardieu que l'on avait rarement vu aussi bon ces dernières années), Benjamin Voisin, Vincent Lacoste et Xavier Dolan formant notamment un « trio » des plus séduisants. Le théâtre de la vie par l'auteur d' « À l'origine » ? C'est un grand oui, et me concernant le meilleur film français de l'année... voire le meilleur tout court. Belle réussite.