J’accueille à bras ouvert un film vaste et ambitieux, qui ose s’attaquer à Balzac en y mettant les moyens. Balzac qui, dans ma mémoire, était surtout un vivier à téléfilms du service public.
Le voici maintenant bien porté au cinéma, dans une œuvre ample. Mais qui, aussi ample soit-elle, doit quand même en passer par une voix-off omniprésente. C’est peut être une déférence très française au texte, c’est peut-être une contrainte, car on sent qu’il serait difficile d’articuler toute le roman et ses revirements dans un film, même de 2h30, mais en tout cas, ça crée quand même un film littéraire et qui sent donc peut-être un peu trop l’Académie française (j’évite de dire “académique”, parce qu’un passage du film montre comment toute critique peut, en un mot, transformer une qualité en défaut).
Malgré ce côté parfois un peu textuel, ça reste bien mené et ça reste un vrai film, faste, comme je disais, avec une ligne ascension/chute très claire, des cadres somptueux et un montage solide qui évite qu’on s'ennuie trop, notamment via les séquences d’excès (même si il y a des inspis Loup de Wall Street qui m’ont fait sourire par leur décalage).
À ce propos, le film cherche assez logiquement à raccrocher son intrigue et son univers à notre présent. C’est de bon ton, mais il a parfois un peu la main lourde. Il y a notamment une petite scène autour de pigeons voyageurs où j’étais un peu en mode “gné ?” (je sais pas si c’est déjà présent chez Balzac). Malgré ces quelques fautes de goût, il reste assez savoureux et édifiant de voir les babillements de notre monde moderne.
Tout cette auscultation des milieux artistiques, littéraires et journalistiques (magouilleurs, décadents, avides) reste donc assez cool, surtout en opposition à toutes les scènes plus émotionnelles, parfois un peu ennuyeuses. C’est justement ces scènes où le film se fait plus roman transposé, avec ses découpages plans-plans. Je préfère le faste des scènes de groupe.
C’est peut-être aussi dû au fait que ces scènes, où il s’agit moins de dépeindre un milieu qu’une trajectoire, ont toujours l’acteur principal en leur centre, et qu’il a alors un jeu plus rentré et pas hyper-charismatique. Là où Xavier Dolan et Vincent Lacoste, ses doubles dans le film, sont autrement plus savoureux et généreux.
Mais le bas blesse aussi parce que le film est souvent hyper-démonstratif dans les revirements de son intrigue et l’évolution du parcours de Lucien (la montée, le COURONNEMENT, LA DÉCHÉANCE !), un peu en mode “pour ceux qui comprennent pas ce qui se passe”. Après, encore une fois, difficile d’être trop sévère quand on a autant à adapter.
Donc voilà, rien de transcendant, mais on sent qu’on a un réal talentueux derrière la caméra, avec un point de vue sur un classique qu’il veut dépoussiérer. La première victoire du film, c’est donc son scénario, qui a une vraie perspective, et si ensuite tout n’est pas porté à l’écran avec la même verve, ça reste rare que la littérature française paraisse aussi moderne et vivante.