Le film qui a véritablement apporté la gloire internationale à son réalisateur Denis Villeneuve. Je n'ai pas lu la pièce de Wajdi Mouawad, donc je ne dirai évidemment rien sur l'œuvre d'origine et sur le côté adaptation de l'ensemble. Bon alors, la lecture du synopsis promet un récit captivant dans lequel deux chronologies s'entrecroisent, une dans le passé et une dans le présent, avec son lot de mystères, de révélations incroyables et de scènes bien tendues et marquantes. Et ça tient parfaitement ses promesses.
D'abord, là où Villeneuve est particulièrement fort, c'est pour mettre en scène la soudaineté et la rapidité de la violence, de comment en une seconde, on peut passer d'une situation normale à l'horreur dans toute son atrocité. Il l'avait déjà montré dans son film précédent, Polytechnique. Le point d'orgue est évidemment la séquence dans le bus, véritable coup de poing aussi bien pour le spectateur que pour la protagoniste. Il y a un avant et un après. Cela va être un point de non-retour, tout ce qui va déclencher les événements qui vont suivre. Ah oui, pour ces derniers, ceux qui disent "ah ouais, mais cela s'appuie trop sur des coïncidences et des hasards gros comme des maisons", j'ai envie de répondre "vous croyez sérieusement que la réalité s'est gênée pour ce qui est de ce genre de coïncidences et de hasards". Non, pour moi, c'est crédible.
Ensuite, vous vous attendez à un twist-ending qui va vous assommer et que vous allez porter bien après le générique de fin. Ben, c'est le cas aussi. Pourtant, pour mon cas précis, j'aurais dû le voir venir.
Ben ouais, j'ai juste étudié le mythe d'Oepide pendant tout un semestre à la fac, donc ce n'est pas comme si le pied tatoué de trois petits points aurait dû me balancer tout le truc d'un coup. Mais non, j'ai été trop aveugle. "Aveugle", "Oedipe"... OK, je sors...
L'équilibre entre la trajectoire de la mère, dans un pays non nommé ravagé par une guerre civile (C'est toi le Liban ? Allez, on t'a reconnu !) où la religion va être (encore !) un bon prétexte pour se détester les uns et les autres, où la chaleur désertique méditerranéenne côtoie celle encore plus brûlante des canons d'armes à feu, et l'enquête des jumeaux, entre un Québec dont la grisaille devient par comparaison rassurante et le pays non nommé traumatisé, n'ayant pas pansé ses plaies, est bien géré, donnant la même profondeur percutante. Et malgré les nombreux éléments qui s'enchaînent, la mise en scène ne perd jamais le spectateur.
Une œuvre puissante, d'une grande portée dramatique, où la tragédie familiale est emportée par les flots d'une grande histoire loin d'être entièrement fictive, qui souligne ô combien les vieux mythes restent à jamais intemporels.