Voici donc enfin l'arlésienne de Tarantino sur la Seconde Guerre Mondiale. Depuis l'annonce de ce projet -il y a une dizaine d'années- dire que l'impatience nous rongeait est un bel euphémisme. "La meilleure chose que j'ai jamais écrite" avait dit le réalisateur, voilà qui ne faisait qu'accroître notre excitation. "Il se pourrait bien que ce soit mon chef d'oeuvre", fait-il dire à l'un de ses personnages, à la toute fin du film, comme si Tarantino voulait nous faire comprendre quelque chose. Alors, qu'en est-il?
Le metteur en scène est-il arrivé à toucher les sommets déjà atteints par Pulp Fiction et Reservoir Dogs? Inglorious Basterds a au moins le mérite d'imposer une fois pour toute la plus grande qualité de son créateur: son sens du dialogue. Dans son nouvel opus, Tarantino enfonce carrément le clou en faisant du langage une arme bien plus redoutable qu'une salve de balles. Cet aboutissement prend sa forme la plus concrète avec le protagoniste de Hans Landa, chasseur de juifs polyglotte d'une malfaisance rare. Aussi étrange que cela puisse paraître, l'acteur Christoph Waltz -qui incarne Landa- est LA star du film.
Inconnu avant que Tarantino ne nous le fasse découvrir, on en vient à se demander comment le Cinéma a pu passer à côté du génie de cet interprète pendant si longtemps. Parvenant à être aussi cordial et chaleureux, tout en masquant de glacials desseins, la tornade Waltz emporte (presque) tout sur son passage. Passons à ces fameux Bâtards, soldats juifs américains envoyés en France pour massacrer le maximum de Nazis. Ils sont menés par Aldo Raine, campé par un succulent Brad Pitt, qui donne au film une certaine drôlerie. Lui et ses hommes décident de s'allier avec les services britanniques, dans le but d'assassiner trois principaux dirigeants du 3ème Reich, qui seront réunis pour la projection d'un film de propagande nazie en France. Quel meilleur lieu pour régler ses comptes avec le fascisme que celui là pour Tarantino? Il profite de cet artifice pour livrer une réflexion sur les pouvoirs du Cinéma. Ce dernier n'étant plus seulement un lieu pour aborder le calvaire des populations oppressés mais aussi pour le retourner contre ses instigateurs.
La dernière partie peut donc être vu autant comme un ode au Cinéma (rendant possible ce qui n'a pas été) que comme un catharsis. Alors, au vu de ses différentes éloges, Quentin Tarantino s'est-il transcendé en livrant son chef d'œuvre? Pas tout à fait, je le crains. Car si 80% du film demeurent magnifiques (beaucoup de dialogues, toujours aussi affutés), les 20% restants déçoivent. Ces 20% comprennent les scènes avec les acteurs français qui, mis à part Denis Ménochet (excellent), sont vraiment à côté de la plaque. Mélanie Laurent se révèle médiocre et son ami Jacky Ido est lui carrément mauvais. On s'intéresse aussi très peu au soldat allemand interprété (impeccablement) par Daniel Brühl.
La Bande Originale est une fois encore exceptionnelle, comme toujours chez Tarantino. Dommage qu'il n'ait pas revu sa copie pour la partie concernant les interprètes français, car c'est peut être la seule chose qui empêche Inglorious Basterds de se hisser au statut de Chef d'Œuvre.