Ma bonne définition du 6/10 : c'était divertissant, mais quand je reverrai ce film sur M6 d'ici quelques années, dans un élan de désoeuvrement, je pense que je me dirai WTF. Pour Insaisissables, on est pile-poil dans le crédo. C'était bien, c'était divertissant, ça n'avait pas la prétention d'être le film de l'année, ni même beaucoup d'ambition, mais ça arrive malgré tout à être ni vraiment réussi ni vraiment raté.
On passera sur la mise en scène calibrée comme un concert de U2 (à moins qu'un technicien ait oublié de serrer les freins de la Dolly et que personne n'ait remarqué la caméra tourbillonnant dans tous les sens avant l'arrivée des rushes sur le banc de montage) et le casting 3 étoiles finalement sous-exploité (pour moi le défaut le plus flagrant du film, on ne sait pas qui suivre, Mark Ruffalo ou Jesse Eisenberg, à un moment il faudrait savoir les mecs), c'est davantage sur le scénario abracadabrantesque que je passerai mes nerfs.
Effectivement, ce fichu scénario est construit comme un vrai tour de magie, celui que tu fais à tes potes, complètement bourré, celui où un gars doit prendre une carte, te la montrer... attends non pas te la montrer, la montrer au public, puis après il la remet au milieu du paquet, ou sur le dessus, je ne sais plus ; et puis de toute façon au bout d'un moment tu te rends compte que le tour ne fonctionne pas très bien car il te manque un foulard et un lapin blanc pour le réussir.
Ici c'est pareil, des plot holes à tire-larigot, que l'on se croirait au Bois de Boulogne, dont la moitié sont plus ou moins habilement expliqués parce qu'en fait ça fait partie du tour de magie qu'est ce film, t'as vu (pour l'autre moitié, Leterrier les a certainement oubliés, ou réservés pour la director's cut de 4 heures). Il y a des twists, des méchants pas vraiment méchants, des gentils pas vraiment méchants, des méchants vraiment gentils, des méchants vraiment méchants et des gentils qui ne sont pas vraiment gentils en fait (wut). Et puis il y a José Garcia (lolwut). C'est sérieusement un vrai bordel, mais ça a le mérite d'être fidèle au crédo du film : plus t'en vois, moins tu... comprends ?
Surnageant au milieu de tout cela, le casting est à la peine : Jesse Eisenberg n'est ni le héros, ni le méchant ni le gentil, en fait il n'a qu'une demi-heure d'importance réelle à l'écran, le reste du temps il se contente de jouer Jesse Eisenberg. Woody Harrelson fait son Woody Harrelson, il peut continuer autant qu'il le souhaite tant qu'il ne commence pas à demander des premiers rôles comme De Niro. Morgan Freeman et Michael Caine font... bon je pense que vous commencez à comprendre, on sent clairement le délire de cinéaste à vouloir deux pointures dans son film sans avoir rien d'intéressant à leur faire dire ou faire. Mark Ruffalo balance sa poker face pendant facile 90 minutes de métrage, et Mélanie Laurent, aussi bonne soit-elle (ouais ouais les mecs, drop the hate), ne sert à rien. Mais genre pire qu'Anne Hathaway dans le dernier Batman, elle au moins avait un beau pantalon en cuir pour compenser (DAT ASS). Quant aux deux petits jeunots, Isla Fisher est mignonne, elle a un petit truc sympa avec les gants (lovely), mais sans lui demander de jouer façon Hepburn, on sent clairement qu'elle est à la traîne (la faute là encore à un rôle sous-développé je pense) ; Franco brother, c'est le même charisme de mec complètement wack que son frangin James, l'expérience en moins. Ah et puis il y a Common en patron du FBI aussi (rires).
C'est dommage, parce que les prémices du film laissent entrevoir un potentiel intéressant, mais finalement pas exploité à sa juste valeur. Présenter les quatre cavaliers, c'est bien, si c'est pour ne pas exploiter leurs aptitudes sauf en quelques situations très spécifiques ça ne sert qu'à gâcher de la pellicule (d'autant que l'on se rend rapidement compte qu'ils ne seront manifestement pas les héros du film, ou peut-être que si ?). Je pense notamment au tour d'Eisenberg en ouverture, qui joue malicieusement sur une petite astuce cinématographique pour faire le parallèle avec les astuces de magicien. Un film de 2 heures du même tonneau aurait pu être foutraque et jubilatoire, ici on dégage rapidement les petits tours pour sortir la grosse artillerie formaliste, on introduit une relation amoureuse awkward et totalement contre-nature (un requin et un caniche nain auraient plus de chances de s'accoupler) et des tournures de script à en rendre Sucker Punch limpide comme du cristal, et roulez jeunesse.
Bon, ça reste un blockbuster malgré tout, je n'en attendais pas grand-chose (j'ai tout de même réussi à être un peu déçu en sortant de la salle) à part du show, un casting payé des millions pour aller au centre aéré, un scénario crétin et des situations improbables rapidement coupées au montage pour ne pas que le réalisateur ait à s'encombrer de trop d'explications ; sur ses aspects-là, le film "delivers" comme pouvaient le faire Prometheus ou TDKR, sans pour autant faire chier les tympans avec une bande-son assourdissante, ce qui est un plus toujours appréciable. Je suis gentil donc, mais j'aurai sans doute déjà oublié ce film la semaine prochaine.