Un besoin de se renouveler
Difficile de porter un regard critique objectif en voyant It's a free world après le visionnage de l'excellent La part des anges. Le regard moralisateur de Ken Loach se pose sur un des nombreux vices de la société dans laquelle nous vivons et ce n'est pas pour le bonheur du spectateur : bien trop manichéen et sans nuances, le réalisateur nous montre que nous sommes tous des ordures et que l'exploitation des plus faibles nous permet de vivre toujours plus aisément. Belle leçon de vie. Pourtant, il peine à convaincre, notamment à cause d'une héroïne pas forcément intéressante et à laquelle il est difficile de s'attacher.
Angie veut aussi sa part du gâteau. C'est ce qu'on apprend à la lecture du synopsis d'un film traitant de l'intérim en Angleterre et des travailleurs clandestins, vivant toujours plus dans des conditions misérables et pour qui l'eldorado anglais n'est qu'une farce de très mauvais goût. Elle va donc rentrer dans le système, pleine de bonnes intentions pour tirer profit de ces travailleurs mal payés, illégaux allant même jusqu'à mettre sa propre vie en danger. Pourtant ce n'est pas une mauvaise fille et on peut comprendre ses intentions. Et ce que Ken Loach veut nous montrer c'est que nous sommes tous plus ou moins corrompus. Pourtant, c'est avec un regard bien trop moralisateur qu'il aborde ce nouveau drame social, genre qu'il connait bien mais qu'on finit par redouter à cause de travers qui se répètent. Là où La part des anges traite avec humour d'une jeunesse sans avenir, It's a free world construit chaque plan, chaque séquence de telle sorte que le spectateur soit coupable. Coupable de son inaction, coupable de consommer et d'accepter un statu quo qui dure depuis la nuit des temps.
L'esclavage moderne ou le travail de ces familles réfugiées dans des camps insalubres est donc le sujet principal et Ken Loach va s'appliquer à dépeindre sans une once de nuance la situation en Grande Bretagne – mais c'est d'une certaine manière le cas partout dans les pays riches – et ne laisser aucun répit à son héroïne, ne lui donner aucune excuse. On pourrait apprécier la dénonciation de cette situation, notamment au travers d'un documentaire bien mené mais dans le cas présent, on ne ressent que de l'agacement en regardant la vie de cette anglaise lambda pour qui l'argent facile et la solution à tous les problèmes. Comme un élève en classe, on nous assène qu'il ne faut pas agir de la sorte en nous disant qu'on n'a pas vraiment le choix (voir le final tout à fait écœurant).
On finit même par détester cette femme sans scrupule et on s'aperçoit que c'est ce que le réalisateur veut à tous prix, poussant le tout à son paroxysme au moment où elle décide d'appeler la police pour démanteler un camp dans le but de trouver de la place à de nouveaux immigrés. C'est trop souligné pour être intelligent et les traits sont bien trop grossiers pour qu'on y croit. On nous décrit une réalité certes mais on finit par se ficher complètement de ce qui peut arriver à tel ou tel protagoniste tant on est exaspéré par le propos bien trop simpliste d'un réalisateur alors en mal d'inspiration.
Loin derrière Le vent se lève ou bien La part des anges, It's a free world ne restera pas dans les mémoires de par une mise en scène trop documentaire et de par un propos finalement assez vain. On aime voir la subtilité au cinéma, voir qu'un réalisateur peut décrypter des maux, des situations pour les amener à un spectateur et le laisser se faire un opinion. Ici, on nous dirige, on nous oblige à suivre une route toute tracée, sans la moindre trace de sensibilité. C'est lacrymal mais ça ne marche pas, Angie est une ordure mais c'est une gentille mère de famille débordée. Bref, ce n'est pas ce qu'il faut retenir de la filmographie de M. Loach qui nous a habitué à bien mieux.