Le chevalier saxon Ivanhoé parcourt l'Europe à cheval sans relâche afin de retrouver la trace du roi Richard Coeur-de-Lion, disparu lors de son retour de la troisième croisade. Il y parvient (après avoir esquivé le contenu d'un pot de chambre visant sans doute à le féliciter pour ses talents de ménestrel) et découvre que son suzerain est pris en otage. Il doit réunir une rançon pour le libérer, ce que le régent (ou usurpateur) en titre, le vil prince Jean, n'est évidemment pas pressé de faire... Ivanhoé demande d'abord de l'aide à son père Cedric, qui refuse d'aider un roi normand, mais Isaac d'York, un vieux négociant juif, et sa fille Rebecca, pourraient bien lui venir en aide. Rebecca en pince d'ailleurs pour Ivanhoé, même en le sachant promis à Dame Rowena...
Je crois que je pourrais en ramasser des pelletées de ces films que je n'ai pas eu envie de passer à la guillotine critique pour des raisons diverses, dont la principale est une enfance qu'ils ont contribué à rendre un peu plus épique. Il a encore pris au moins 15 ans dans la gueule depuis le dernier visionnage mais allons-y gaiement.
L'Ivanhoé de 53 c'est un peu comme tous ces châteaux restaurés par Eugène Viollet-le-Duc ou Bodo Ebhardt avec des tours à toits pointus, c'est un vestige de l'époque médiévale telle que fantasmée par les romantiques plus qu'autre chose (vraisemblance et médiévistes tatillons, allez vous coucher) : de la bravoure à revendre, des couleurs chatoyantes (ces panaches, ces armoiries et ce rouge en Technicolor), pas de sang qui gicle ou coagulé sur des faces à cheveux et barbes hirsutes, pas de pluie froide ni de boue (c'est classe aussi toutes ces choses mais ça viendra bien plus tard), seulement les petites moustaches bien taillées du héros et le bouc pour les félons. La chrétienté ne semble pas exister et la haine / quasi-guerre civile entre anglais saxons et anglais normands est grandement exagérée, mais on pardonnera ça à Walter Scott et aux scénaristes. L'équipe du film récidivera quelques années après avec Les Chevaliers de la Table Ronde, et Quentin Durward (faudrait que je le regarde un de ces jours celui-là) jusqu'à ce que Charlton Heston prenne le relais.
Robert Taylor est le successeur d'Errol Flynn, en moins bravache et plus cuirassé, le héros le plus vaillant et noble qui soit (mais pas lisse pour autant), champion des opprimés saxons et juifs. Il peut tout faire par amour pour sa dame et par fidélité à son roi (c'est délicieusement ringard, que voulez-vous). Les félons ont la tête de l'emploi (ça n'a pas trop changé depuis le Robin des Bois de 1938 faut dire), le prince Jean (Guy Rolfe) et ses chevaliers en tout cas, Bois-Guilbert (George Sanders) c'est l'exception, presque celui qu'on a envie de pardonner parce que tiraillé entre un amour non-réciproque et ses devoirs envers son suzerain, pas de chance. Du côté de ces dames ce sont tout simplement les plus beaux minois qu'on pouvait trouver à Hollywood en ce début des années 50, les regrettées Elizabeth Taylor (aucun lien avec Robert au fait) et (depuis le 16 décembre dernier hélas) Joan Fontaine - c'est amusant d'ailleurs, sa soeur Olivia de Havilland avait joué un rôle analogue au sien dans le Robin des Bois de Curtiz en 38, la dame du héros médiéval.
Le style musical tout en fanfare est reconnaissable entre mille, c'est celui de Miklós Rózsa (je crois que ça se prononce "micloche"), l'un des très nombreux talents émigrés d'Europe qui ont fait la grandeur d'Hollywood. Le tournoi de chevalerie est le plus beau jamais filmé, mais les duels à l'épée ont pris un sacré coup de vieux, avec cette escrime de cinéma désuète où l'on voulait surtout frapper les épées adverses plus que le corps (et ce tintement bien moche qu'on retrouvera dans Scaramouche notamment, des "longsword" ou claymores qui font le même bruit que des fleurets, mouais...). Le siège du château (avec Robin des Bois et ses joyeux compagnons en guest stars) a ses moments de tension bien dramatique sur fond de brasier évidemment (et l'écuyer pseudo-comique vraiment inutile qui y passe), même si c'est drôle de voir qu'en guise de pluie de flèches on a maladroitement balancé des bouts de bois sans empennage en vrac sur les ennemis ou la porte (en bon vieux carton-pâte évidemment)...
La digne fin du spectacle c'est un duel à mort d'une simplicité et d'une brutalité qui tranchent plutôt agréablement avec le reste, deux hommes d'honneur qui cherchent vraiment à se mettre sur la gueule à coup de hache et de fléau d'armes pour sauver ou envoyer au bûcher (j'allais dire "pour les beaux yeux de" mais c'est pas tout à fait le but) la toute jeune Liz Taylor, à vrai dire entre elle et Joan Fontaine mon coeur a toujours balancé... Paix à leur âme.
En bref, c'est grandement désuet, glorieusement chevaleresque et merveilleusement coloré comme des enluminures, donc indispensable.
P.S. spécial pour Hypérion : au final je préfère Joan Fontaine.