J'ai vu quelques films coréens et il est toujours intéressant de relever dans la production de leur 7ème art des constantes, des fils rouges et des obsessions qui en disent long sur leur mentalité et leur culture. Au coeur de ces thématiques phares, on retrouve en tête la vengeance (omniprésentes dans les cultissimes Old Boy et The Chaser), via une application littérale de la loi du Talion qui transforme les personnages en justiciers.
En filigrane, on a également un sous-texte politique assez comique autour du fonctionnement (ou plutôt des dysfonctionnements) de la police locale, comme si celle-ci était immanquablement gérée par des bras cassés à la Patrick Bialès, infoutus de faire régner l'ordre et de faire arrêter promptement les coupables - contraignant les citoyens à faire avancer l'enquête eux-mêmes.
J'ai rencontré le diable m'intriguait bien entendu en raison de l'enthousiasme global qu'il suscitait : il était temps que je me forge mon avis sur cette oeuvre qui, je le savais, avait heurté bon nombre de spectateurs, certains confessant n'être pas sortis indemnes de son visionnage.
Alors, comme souvent dans le cinéma - et ce qui a le don de m'énerver - je sens comme un revirement dans la seconde moitié et je trouve que c'est un peu une escroquerie : je m'ennuie au début, puis l'action s'accélère, le propos se radicalise, la violence prend une tournure extrême, l'esthétique se consolide. Et me voilà qui passe d'une opinion blasée à un engouement total.
C'est exactement ce qui s'est passé hier soir. L'histoire met du temps à gagner en originalité, en densité, en intensité, mais quand elle le fait c'est de manière absolument sans concessions, avec une puissance comme je l'ai rarement vue. L'extrême violence (doublée de réalisme) de certaines scènes m'a contrainte à fermer les yeux d'épouvante - la fin livrant un crescendo dans l'atrocité à la fois réjouissante et effroyable.
Ce qui m'a beaucoup plu aussi et qui, pour moi, constitue l'une des forces et la singularité de ce film, c'est son discours sur la nature de l'homme, et son propos finalement jamais manichéen (comme pourrait pourtant le laisser penser le début). Chaque personnage recèle une part d'ombre et de lumière, la possibilité de l'indulgence en même temps qu'un penchant net pour la vengeance la plus cruelle.
Le visage des personnages est très éloquent à cet égard : qui pourrait croire que Choi Min-Sik est un bourreau sanguinaire, lui qui arbore la tête la plus bonhomme et pouponne qui soit ? Qui penserait que Lee Byung‑hun, le gendre idéal, pourrait se transformer en machine à tuer ?
Garde-toi, tant que tu vivras, de juger les gens sur la mine, nous disait La Fontaine il y a quelques siècles - Kim Jee-woon offre une fascinante réactualisation de cet adage de la façon la plus violente, dramatique et mélancolique qui soit.