Après un « Au-delà » émouvant mais mineur, Eastwood revient à un sujet dont il semble plus proche : le portrait de J. Edgar Hoover (Leonardo DiCaprio, excellent), directeur « tout-puissant » du FBI de 1924 à 1972. Et s'il y avait sans doute matière à réaliser une œuvre de 4 ou 5 heures, le résultat n'en est pas moins passionnant. Loin des biopics classiques, le réalisateur d' « Impitoyable » s'efforce de montrer les différentes facettes d'une figure ultra-complexe en jouant brillamment avec le temps, faisant passer son héros du passé au présent avec une aisance technique déconcertante. C'était d'ailleurs sans doute la meilleure solution pour cerner un minimum ce personnage insaisissable, à la fois odieux et quasi-fascinant dans sa façon de voir les choses, de très peu douter, de se prendre pour ce qu'il n'est pas... Le grand Clint a beau ne pas être tendre avec lui, Hoover garde toujours quelque chose de mystérieux, d'étrange, de contradictoire, à l'image de cette très probable homosexualité qu'il se sera caché jusqu'à son dernier souffle. Qu'il est triste en effet de voir un homme, aussi peu attachant soit-il, ne jamais évoluer sur nombre d'idées, consacrer 99% de sa vie à un travail qui l'obsède, sans penser le moindre instant à une quelconque possibilité de s'épanouir, d'avoir une vie « normale »... L'image est saisissante lorsque l'on voit à quel point celui-ci embellit sa vie dans ses mémoires, se vantant de nombreux exploits alors qu'il n'était parfois même pas là, toujours à la recherche d'une reconnaissance qu'il semble pourtant conscient de ne pas forcément mériter. Celui-ci en devient quasiment touchant par moments, même si la carapace ne se fendra en définitive jamais vraiment et qu'il emportera la plupart de ses secrets dans sa tombe. Et si Eastwood en fait un peu trop niveau maquillage, son travail, certes classique, n'en est pas moins remarquable, évitant nombre d'écueils inhérents au genre tout en nous intéressant à l'une des personnalités les plus controversées du XXème siècle : chapeau l'artiste.