Les souvenirs d'enfance de Jacques Demy, traduits par sa femme Agnès Varda : ça ne pouvait être que beau !
Car c'est avant tout un film d'Amour, un hommage merveilleux à l'homme quelle aime, avant qu'il ne disparaisse.
Jacques, atteint par la maladie, écrivait ses souvenirs d'enfance et les faisait lire à Agnès chaque soir puis celle-ci lui a proposé d'en faire un film. Il a immédiatement accepté et a participé au casting des enfants, au tournage dans le garage où il a passé son enfance à Nantes puis est décédé juste avant le montage.
C'est l'enfance d'un petit garçon passionné par le théâtre de Guignol, la chanson, l'opérette et surtout le cinéma. C'est également le récit d'un enfant touché par la guerre, contraint à se réfugier à deux reprises dans la campagne nantaise, chez un sabotier et sa femme, et témoin des bombardements de Nantes en 1943 qui l'ont marqué à vie.
Le film mêle des images en noir et blanc : les souvenirs tels que les a raconté Jacques, des extraits de sa filmographie et des images en couleurs : encore des souvenirs mais filmés sous un angle différent, et des gros plans de Jacques filmés au moment du tournage (émouvants témoignages d'une femme cinéaste amoureuse). L'intérêt est de confronter les souvenirs avec les extraits de films afin de montrer quelle influence ont eu les expériences enfantines sur la créativité de Demy.
On retrouve avec délectation des extraits de "Lola", "Les demoiselles de Rochefort, "Les parapluies de Cherbourg", "Peau d’Âne", "Une chambre en ville".
Les trois enfants qui jouent le rôle de Jacquot à différents âges sont tous exceptionnels : des super bouilles et une très jolie présence. Il y a aussi le petit frère René, le meilleur ami Yannick et la voisine Reine, devenue chanteuse à succès.
Les parents joués par Brigitte de Villepoix et Daniel Dublet sont très bien également. Il règne une très bonne ambiance familiale, pleine de fantaisie et de chansons. Jaques Demy dira d'ailleurs qu'il a eu une enfance heureuse, ce qu'on perçoit très bien dans le film.
La passion de Jacquot pour le cinéma démarre très tôt, en découvrant les grands acteurs et les grands réalisateurs au cinéma d'abord, puis il acquiert un projecteur avec un seul film de Charlot. Il a alors l'idée d'effacer les images de la pellicule en les trempant dans une casserole d'eau bouillante et de dessiner à la main son premier dessin animé. Puis, l'acquisition d'une petite caméra à clefs va lui permettre de faire un petit film avec des copains, dans la rue, au pied du garage de ses parents.
Ensuite, il investit un grenier au dessus du garage et construit des décors et personnages en carton de toute beauté. Il écrit des petits scénari et filme certaines scènes à l'aide d'un patin à roulette monté sur une plate-forme et tiré avec un treuil de sa fabrication.
Tous ces petits films vont lui permettre d'échapper à sa condition : quitter le collège technique où il apprend le métier de mécanicien qu'il déteste, pour monter à Paris faire une école de cinéma.
C'est assez drôle de voir l'inventivité et l'ingéniosité qu'a eu Demy pour fabriquer tous ces décors, ces personnages, ses moyens filmiques et inventer de tels scénari.
Un vrai génie qui lui a valu de devenir l'un des plus grands cinéastes français de sa génération.
Durant le tournage, Agnès Varda raconte qu'elle a retrouvé, sous une énorme couche d'immondices, dans le grenier où Jacquot faisait ses premières expériences filmiques, des bouts de pellicule lui ayant appartenu. Evidemment, après tout ce temps, le films étaient fortement endommagés, mais une spécialiste a réussi à en recoller certains morceaux et a redessiner à partir de ceux-ci le premier dessin animé qu'on voit de Jacques. Quelle trouvaille !
De l'or en barre ce film !