Un soir de semaine, rentré tard.


Je lance le replay de Arte, j'avais repéré que "Sans Filtre" (aka Triangle of Sadness) y était diffusé. Je réfléchis, mais après tout ça ne fait pas si longtemps que je l'ai vu au cinéma. Je renonce et me lance dans "Je ne me laisserai plus faire", interpellé par la présence de Yolande Moreau dans un film dont je n'ai jamais entendu parler, et qui n'est même pas passé par la case cinéma.


Je ne pensais plus alors, à ce moment là, que j'allais me poiler devant une satyre sociale, ni même devant un grand film. J'avais tort. J'ai rarement eu aussi tort.


Alors quand on dit satyre sociale, on sait déjà qu'on a une œuvre qui sera, pour certains, évidemment perçue comme binaire et manichéenne. Par qui ? Mais comme pour Sans Filtre, évidemment : par tous les pseudos critiques emprunts d'une culture bourgeoise trop distinguée pour rire d'elle même, et surtout de ses victimes du quotidien.


Mais en ce qui me concerne, j'ai eu la grosse poilade. En fait toutes les 15 secondes en moyenne j'éclatais de rire seul sur mon canapé au point d'en faire fuir mon chat qui n'a pas l'habitude que je lui prenne sa place comme ça (c'est SON canapé, qu'il me prête quand il veut des câlins).


J'ai eu aussi la profondeur des personnages. Ceux là même qui seront réduits invariablement à leur essence de victimes de vilains bourreaux faciles. Mais c'est la critique qui est facile, car au delà du duo vengeur formé par Yolande Moreau et Laure Calamy, de nombreux personnages secondaires vont dévoiler leurs fissures et surtout leurs oppresseurs quand on s'y attend le moins. Les plus beaux moments d'émotion du film leur sont consacrés. Je n'ai pas que ri devant ce film.


Mention aussi pour le jeu d'acteur de tous les oppresseurs, qui, en écho les uns aux autres, jouent avec brio la partition grotesque et réelle à la fois du bourreau victime. Il est savoureux de les regarder se prétendre choqués, meurtris, de se prendre dans la tête la grenade qu'ils ont dégoupillée. Bien sûr l'écriture est à charge, mais le ton est parfait et renvoie à la réalité des faits divers du quotidien où de journaux en tribunes, les vilains ont toujours le droit de diffuser leur parole, masquant ainsi la complexité et la globalité des faits, et leurs victimes durables.


En fait tout le casting est royal, on pourrait s'en douter juste en regardant les noms sur la fiche du film, mais j'ai de nombreuses scènes qui resteront dans ma mémoire, incluant celles de personnages de second plan, eux aussi magistralement interprétés qu'ils soient tendres ou cyniques, par des acteurs qui ne sont pas des inconnus non plus.


"Je ne me laisserai plus faire" est un chef d’œuvres de comédie, d'émotion, où oui, aucune excuse n'est proposée aux oppresseurs, et c'est très bien comme ça. Parce que ça soulage. Parce que ça concentre le propose où il faut : sur ceux qu'on exploite, et sur leur colère. En convoquant autant Thelma et Louise, inspiration évidente, que, peut être, les Misérables.

sad_punk
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il y a 5 jours

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