Le Temps d'aimer et le Temps de se faire chier !

Ce film marque peut-être la première fois où la présence de Sean Connery est un minimum importante ainsi que remarquée dans une distribution. Sa carrière jusqu’ici se résumait à des rôles bien secondaires et à de la figuration. D’ailleurs, symboliquement, dans le générique de début, son nom est précédé d’”Introducing” comme si c’était son baptême du feu devant la caméra. Mais bon, que l’on ne s’y trompe pas, c’est James Bond qui en a fait une superstar. Du point de vue de l’époque de la sortie en salles, la vedette était Lana Turner. C’est son nom qui devait attirer les spectateurs.


Il faut souligner que le tournage est beaucoup plus intéressant que le résultat pas franchement terrible de l'œuvre elle-même. Et ceci à cause de la réputation sulfureuse de l’actrice et grâce à un véritable côté dur à cuire de Connery. L’amant gangster de Turner, Johnny Stompanato, pris d’une éruption violente de jalousie, avait eu la merveilleuse idée de se pointer sur le plateau de tournage, situé dans la Perfide Albion, et de pointer un flingue sur Sean Connery. Le fait que cet abruti se soit fait désarmer d’un geste précis et sec, avant de recevoir un coup de poing dans sa tronche pour conclure sur des pieds dans le cul pour le chasser des lieux, tout ça assuré par le futur 007, avait dû lui bien lui faire douloureusement comprendre que Connery était bien le dernier type sur cette planète qu’il était conseillé d’emmerder. Quelque temps après, Stompanato se fera mortellement poignarder par la fille adolescente de sa maîtresse. Mais ça, c’est une autre histoire…


Bon, le film ! Le titre en français (n’ayant rien à voir avec celui original, Another Time, Another Place ; il n’est pas nécessaire d’obtenir un B2 dans la langue de Shakespeare pour distinguer une différence !) a au moins le mérite de ne pas mentir sur la marchandise à travers son côté larmoyant. C’est un gros mélo, sans subtilité, qui tache comme du gros rouge.


Les archets des violons chauffent tellement à chaque instant qu’il est étonnant que les instruments n’aient pas été sciés en deux à force d’usure. Lana Turner et Sean Connery sont déplorablement médiocres en amoureux (ouais, je suis désolé d’écrire cela parce que j’admire ces deux stars !). Ils se la jouent mélo à fond, à travers une gestuelle et un débit bien appuyés, en rien aidés par des dialogues empathiques. Et là, vous allez m’interrompre et me dire “ouais, mais c’est un mélo, c’est normal, ducon !”. Ce à quoi je réponds, Ô interlocuteur imaginaire insultant, que d’accord, c’est un mélo, que cela peut être normal de se la jouer mélo dans un mélo, mais, problème, les autres acteurs et actrices se la jouent sobre. Ce qui crée un contraste absolument ridicule. En conséquence, j’ai trouvé le jeu de Glynis Johns ou encore celui de Barry Sullivan nettement plus convaincants.


De plus, en ce qui concerne précisément Lana Turner, celle-ci est censée incarner, dans la première moitié de l’ensemble, une correspondante de guerre lors des dernières semaines du deuxième conflit mondial, dans une Angleterre qui reçoit constamment des V2 sur la gueule (il est à noter que le pays dans ce film ne connaît ni les ruines suite aux bombardements intensifs nazis, ni le rationnement et que l’on ne croise personne en uniforme en dépit de cinq années de guerre… pour illustrer un contexte, on a vu mieux !). Déjà, félicitations à la protagoniste d’arriver à s’habiller style années 1950 en 1945. Ensuite, elle se pointe dès qu’elle le peut avec un manteau de fourrure qui doit coûter vingt années de SMIC. Ce qui suffit à souligner un glamour trop ostensible dans un milieu qui ne l’est pas. Donc, difficile de croire qu’elle exerce une profession exigeant d’être constamment sur des terrains dangereux et sales. Et, dans la seconde moitié, se déroulant lors des tout premiers temps de l’Après-guerre, dans une petite ville des Cornouailles, lorsqu’elle vagabonde, à un moment donné, toute une nuit dans les rues avant de s’effondrer, sa coiffure et son maquillage conservent un aspect impeccable.


Ouais, la seconde partie justement, disons, sans trop spoiler, que la protagoniste est amenée à rencontrer et à sympathiser avec l’épouse de son amant. Pendant un trop long moment, ça fait du surplace, ça repose sur trop peu de choses, sur trop de bavardages, pour donner de la consistance au tout et de la crédibilité aux caractères. L’intrigue ne pense qu’à s’avancer d’un coup, dans les dernières minutes, pour s’achever sur un happy-end peu crédible. Bref, il y a largement le temps de se faire chier.


Dans la maigre quantité de trucs à sauver, il y a quelques interprétations (surtout Glynis Johns !) et quelques beaux extérieurs dans les Cornouailles. Bref, pour terminer cette critique, il n’est guère surprenant que Another Time, Another Place ne soit pas resté gravé dans les mémoires, en dehors d’une anecdote lors de laquelle Sean Connery a été encore plus badass que ne l’aurait été James Bond.

Plume231
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le 21 nov. 2022

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