De la période de dictature au brésil entre 1964 et 1985, on connait quelques chansons composées et interprétées par des musiciens célèbres en exil en Europe, tels que Caetano Veloso et Gilberto Gil, qui avaient été emprisonnés par les militaires à la fin des années 60. Ces musiques si peu subversives à nos oreilles faisaient écho aux récits de plusieurs intellectuels brésiliens exilés. Nous ne savions pas grand-chose en fait. Ce film donne à sentir ce qu’est le climat de peur et même de terreur que vivent ceux qui sont sous le joug d’une dictature militaire. On ne parle pas ici de militants ni de résistants, mais de familles innocentes préservées de la misère. On comprend vite que le père a été un élu engagé politiquement. On comprend que ses amis l’ont été aussi. La famille Paiva, elle, vit confortablement et ne mesure pas à quel point leur existence est en suspens. Quand le Ruben, le père est enlevé par des hommes dont on ne sait s’ils sont policiers ou militaires en civil, les femmes de la famille passent par la case interrogatoire, elles ne subissent pas de torture, mais elles voient et entendent assez de ce qui se passe autour d’elles pour comprendre que plus jamais rien ne sera comme avant. Le film de Walter Salles relate une histoire vraie et parle de personnages qui ont réellement existé. Le talent du réalisateur consiste à utiliser des artifices qui donnent au film la patine des films super 8 de ces années-là. Cela ferait un film honorable, rien de plus et puis il y a Fernanda Torres qui interprète magistralement Eunice Paiva. Ce personnage et l’interprétation sublime de l’actrice donnent corps à tout le reste. La salle a retenu son souffle à plusieurs reprises, tant la tension transpirait de l’écran et je suis ressorti troublé d’avoir senti que, quand la démocratie vacille, nos existences ne pèsent plus rien.