Je ne sais pas pour vous, mais il m’arrive de passer complètement à côté d’un beau film par pur manque d’attention. C’est ce qui m’est arrivé lors du dernier Festival de Cannes à propos de Firebrand — le jeu de la reine — de Karim Aïnouz. C’est donc avec gourmandise que j’ai assisté à la projection du film avant sa sortie en salle à la fin de ce mois. On connaît tous la réputation du roi Henry VIII qui fit décapiter deux de ses six femmes, ce qui démontre de la constance dans l’acharnement contre des ventres infertiles d’héritier mâle. Le film est somptueux dans la reconstitution de l’ambiance de cour du XVIe siècle qui mêle raffinement et paillardise, vulgarité et culture. Le film raconte en la romançant la vie de Catherine Parr la dernière des six femmes du monarque, interprété par un Jude Law magistral et plus vrai que nature. La reine interprétée avec force et délicatesse par Alicia Vikander donne un contrepoint intelligent au film en décrivant la période qui fait basculer le pays dans le culte anglican après avoir frôlé la réforme et l’intégrisme catholique de l’époque. Les historiens finiront par dire que l’anglicanisme au fond, ce n’est que le catholicisme sans le pape. Le film s’attache à éclairer quelques figures comme celle de Anne Askew, interprétée magistralement par Erin Doherty, que j’avais découverte dans « the crown ». Elle crève littéralement l’écran et incarne ce personnage qui a réellement existé pour finir sur le bûcher en défendant sa foi protestante.
La photographie est tout simplement somptueuse et la mise en scène rend chaque scène comme de véritables tableaux d’époque animés. On sent monter la tension qui ne peut mener qu’à un drame final. On découvre comment Catherine Parr, au péril de sa vie, a tenté de suivre un chemin de crête où tous à la cour ne souhaitaient qu’une chose : la faire disparaître pour des raisons aussi politiques que religieuses. Le jeu d’Alicia Vikander, celui de Sam Riley qui incarne Thomas Seymour donnent corps à ce film magnifique. Les quelques libertés prises avec la réalité historique hérisseront les historiens, mais permettent de souligner le propos féministe du film à une époque où être une femme intelligente et cultivée faisait courir des risques autrement plus mortels que des volées de commentaires acerbes sur les réseaux sociaux. De Karim Aïnouz, je ne connaissais que « La Vie invisible d’Eurídice Gusmão », il faut constater que nous avons là un véritable metteur en scène qui connaît son métier.