Publié en 1954, Je Suis Une Légende de Richard Matheson est avant tout un véritable monument littéraire du genre Fantastique.
À l'origine, c'est la célèbre société de production britannique Hammer qui devait porter à l'écran le roman réadapté par son auteur américain. Mais le producteur Robert L. Lippert racheta finalement les droits du script qu'il fit considérablement modifier par le scénariste de télévision William F. Leicester. Furieux, Matheson se retira alors du projet et utilisa le pseudonyme de Logan Swanson pour les crédits du générique.
Ayant déjà travaillé avec VIncent Price quelques six années plus tôt sur La Mouche Noire, Lippert confia au fameux comédien le rôle du docteur Robert Morgan (l'ouvrier Robert Neville dans le roman), dernier homme sur Terre suite à la propagation d'un virus qui a inexorablement transformé l'humanité en une horde de vampires-zombies. Face à sa solitude, ses souvenirs et sa soif de survie, Morgan prend un jour conscience qu'il n'est peut-être pas le seul survivant face à ce fléau...
On a malheureusement raconté un peu tout et n'importe quoi à propos de ce film qui est forcément vilipendé par la critique depuis sa sortie en 1964. Coproduction italienne oblige, les contrats officiels de l'époque stimulaient l'obligation d'un coréalisateur italien à la barre du projet. Ce fut le documentariste Ubaldo Ragona qui endossa ce rôle "fantôme" tandis que le cinéaste américain Sidney Salkow s'attela, lui, à la tâche en solo. De ce fait, l’œuvre qui fut toujours jugée bancale de par sa réalisation à quatre mains, ne peut finalement pas se prêter à cette basse critique.
Bien sûr, si l'on peut regretter le choix de réécriture du scénario, l'éloignant considérablement de l'angoisse permanente du huis-clos greffée dans l’œuvre littéraire originale, ainsi que le ridicule budget alloué pour la production, l'on est tout de même forcé de constater que le travail fourni par Salkow fut remarquablement inspiré pour développer le thème horrifique de la solitude face à une invulnérabilité.
Personnifiant à merveille ce scientifique rongé par la perte de sa famille (et de toute l'humanité), l'immense Vincent Price est foncièrement émouvant lors des très belles scènes de flashbacks magnifiées dans un somptueux scope en noir et blanc par le directeur de la photographie Franco Delli Colli. Un traitement visuel général qui influencera d'ailleurs quelque peu George A. Romero pour sa mythique Nuit Des Morts Vivants en 1968.
Si Je Suis Une Légende n'est certes pas un pur chef-d’œuvre du genre, il reste encore à ce jour la plus fidèle adaptation de l'excellent roman de Richard Matheson. Loin devant la néanmoins très intéressante version 1970's Le Survivant avec Charlton Heston ou l'insipide blockbuster 2000's Je Suis Une Légende avec Will Smith.