"Pendant 100 millions d'années, la Terre a subi le règne des algues et des mollusques"
Je t'aime, je t'aime. Un film assez curieux pour son époque. Osé. Dès le début, on est embarqué dans le délire très excitant du cinéaste : un homme, choisi parmi des millions d'autres, va vivre un voyage dans son propre passé.
Oui mais voilà, avec ce genre de scénario frappant dès le départ, on risque toujours de se casser la gueule, de ne pas respecter ses engagements vis à vis du spectateur. Ici, on attend quelque chose de plus, à propos de cette machine peut-être. Alain Resnais se contente de nous renvoyer dans le passé de son héros, de nous montrer la femme que ce héros a aimé.
Chapeau bas, cependant, mon cher Alain, pour certaines scènes de ce passé, merveilleuses. Je pense notamment à ce moment sur le pont, quand Catherine explique que le but de l'Homme sur Terre est d'apporter le confort aux chats : "L'homme n'aurait été créé que pour prendre en charge l'existence du chat" (1:00:21). C'est du génie. Et puis les monologues de Claude sont extra : "Je pense que pendant 100 millions d'années, la Terre a subi le règne des algues et des mollusques ..." (0:29:40). Et puis la scène sur le "guide Michelin des cimetières" !
Mais à part de sublimes dialogues, et un montage sympathique, le film se perd, l'histoire se sème, le propos n'est pas assez solide. On ne sait pas où on va.
Le titre est assez bien trouvé, je dois l'avouer : il aime d'abord Catherine une première fois, et une deuxième fois quand il fait ce voyage mental dans le passé. D'où la répétition du "je t'aime". J'aime bien aussi, cette vision du voyage dans le temps : on remarque que notre héros Claude n'agit pas sur les événements passés, il les (re)-vit, comme dans un rêve. Il n'effectue donc pas vraiment à proprement parler un voyage dans le temps, mais plus dans sa mémoire ou dans sa vie. Ce qui renvoie au propos du film, et à la morale, que je pense, l'on peut dégager : le passé conduit inéluctablement vers le présent, le ressasser, vouloir le revivre mènera toujours vers les mêmes conclusions.
Bref. Je t'aime, je t'aime, un petit film qui mériterait d'être plus connu, mais qui, somme toute, reste un peu sans direction. Alain Resnais nous prouve néanmoins avec ce film, qu'il n'est pas un réalisateur lambda, et qu'il sait innover.