Après Pupille, Jeanne Herry se concentre de nouveau sur un sujet de droit lié à la justice restaurative avec Je verrai toujours vos visages. Ce modèle spécifique de justice permet de confronter victimes aux coupables, accentuant l’aspect relationnel et social entre les deux groupes pour permettre une réparation plus efficiente des traumatismes. Disposant d’un casting 5 étoiles, la réalisatrice divise son film en deux intrigues très claires. L’une porte ainsi sur des réunions hebdomadaires pour des infractions et délits effectués et vécus difficilement, l’autre sur une rencontre entre un frère et une sœur sur contexte de viol. Le sujet n’est pas évident, puisqu’il faut éviter une mécanique artificielle du récit tout en rendant la chose naturelle et dynamique. Herry s’en sort à merveille.
Les enjeux du dispositif sont introduits dans les trente premières minutes de manière progressive, permettant ainsi une compréhension très facile pour le spectateur du dialogue à venir entre les intervenants et les participants aux échanges. Pourtant, jamais le sujet ne tire véritablement vers un pathos de facilité, la cinéaste préférant étendre les échanges sur une certaine durée pour leur donner une authenticité. Je verrai toujours vos visages rend également bien compte du travail nécessaire en amont pour prendre en compte chaque situation propre en fonction de sa gravité, du ressenti des victimes, de leurs volontés. En ce sens, la partie avec Adèle Exarchopoulos incarnant une victime d’attouchement sexuel reflète assez bien toute la difficulté pour satisfaire les attentes des individus pour les intervenants, ne sachant pas exactement la démarche à suivre.
Jeanne Herry prend soin de décrire cette orientation effectuée par l’équipe derrière le dispositif, avec beaucoup de simplicité sans jamais trop tirer sur la corde sensible. Surtout, elle n’oublie pas pour autant que le film doit rester un peu gai puisqu’il est fondamentalement optimiste sur cette idée de justice restaurative. Les touches d’humour sont bienvenues et intégrées correctement au récit, alors que les liens entre victimes et auteurs de délits se forment dans cette optique de reconstruction. Il pourra être facile de crier aux clichés dramatiques et surreprésentations de la chose, mais toute la démarche employée se fait exactement de cette manière en France, à échelle réduite. Seulement, le dispositif est mis en valeur par ce film.
La mise en scène est très propre, les personnages étant souvent filmés de près pour que leurs expressions soient le mieux retranscrites. On prend ainsi plaisir à revoir Miou-Miou dans un très beau rôle, mais encore le reste du casting qui s’en sort très bien. Les performances d’Adèle Exarchopoulos, Leïla Bekhti, Gilles Lellouche sont particulièrement excellentes, jouant dans leurs registres de prédilection sans jamais caricaturer leurs personnages. Même si le film souffre peut-être d’un léger trop plein de didactisme, quitte à rendre prévisible la résolution de l’intrigue, cela n’est pas tant un souci puisqu’elle est connue a priori dès le début du film dans le cadre du dispositif.
Jusqu’à la toute fin de Je verrai toujours vos visages, la réalisatrice assume de faire une œuvre destinée à être un objet de documentation pour les années à venir sur le sujet trop peu connu de cette justice réparatrice. Le film est à l’image de cette intention, d’une simplicité merveilleuse à chérir et encourager. Une leçon de vie au cinéma, oui !
A retrouver ici : https://cestquoilecinema.fr/critique-je-verrai-toujours-vos-visages-guerison/