Derrière son apparence de « petit film », la dernière réalisation de Jeanne Herry est une très belle réussite tant dans son récit que sa construction chorale. Comme pour ‘Pupille’, la cinéaste se révèle être une excellente directrice d’acteurs. Avec rigueur et émotion, Jeanne Herry nous touche et nous éclaire sur ce concept méconnu de Justice Restaurative.
Depuis 2014, en France, la Justice restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d'infraction de dialoguer entre eux dans des dispositifs sécurisés. Auteur d’infractions et victimes, s'engagent l'un et l'autre dans une mesure de Justice Restaurative. Autour d'eux des encadrants composés de professionnels et de bénévoles. Sur leur parcours, il y a de la colère et de l'espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée.
Deux critiques de Télérama reprochèrent au film un certain didactisme. Ils ont tort. Le film est certes à message, a un propos : montrer ce qu’est la justice restaurative et les bénéfices de cette méthode. Bien sûr, le film a une ligne directrice et n’en bougera pas. Mais pourquoi pas ? Son précédent film reposant sur ce même principe racontait un processus d’adoption qui se déroulait globalement bien. Evidemment, si le programme ne fonctionnait pas ou mal, le film n’aurait plus lieu d’être.
On découvre ainsi ce programme, que personnellement je ne connaissais pas. Basée sur l’écoute, le dialogue et éventuellement sur le pardon, la justice restaurative contraste avec la violence des procès et des tribunaux. Etonnament, les victimes comme les auteurs de délits sont là pour les mêmes raisons. Pour comprendre ce qui se passe dans la tête de l’autre, pour confier leur histoire, tenter une reconstruction. Jeanne Herry fait circuler la parole, guette les regards et les silences qui en disent parfois plus longs que les mots.
En mettant victimes et coupables sur le même plan, le film pose des questions passionnantes. Doit-on pardonner ? Le pardon fait-il vraiment du bien ? Mais le thème central du film est bien sur la parole. Jeanne Herry montre comment elle circule, comment les mots soignent, consolent.
Le film semble simple en apparence mais est en réalité savamment pensé. Jeanne Herry reprend la forme chorale qu’elle avait utilisée pour ‘Pupille’. La choralité du film est parfaitement maîtrisée. On suit deux processus de justice restaurative, l’une individuelle, l’autre collective. Les participants des deux processus ne se connaissent pas et ne se croiseront jamais dans le film. Cela aurait été artificiel. En revanche, le lien entre les deux histoires se fait grâce aux médiateurs qui se croisent le soir. Ainsi les deux histoires se croisent de manière intelligente et ne sont pas seulement mises en parallèle.
La mise en scène, sans valoir les travelling inoubliables d’Orson Welles, est fonctionnelle et au service des interprétations et des scènes. Ainsi les scènes du groupe de parole s’enchaînent avec fluidité, la caméra se mouvant au rythme de la parole circulant. Elle se fixe sur les comédiens pour les laisser s’exprimer. Ainsi Jeanne Herry, avec simplicité crée des scènes très fortes comme la confrontation entre le personnage d’Adèle Exarchopoulos et son frère qui a abusé d’elle quand elle était jeune.
La grande qualité du film sont les comédiens tous remarquables et dirigés par Jeanne Herry pour donner leur meilleur. Bien sûr, certaines interprétations se remarquent plus que d’autres. J’ai trouvé les acteurs jouant les délinquant absolument excellents. Fred Testot est méconnaissable tant physiquement que dans son jeu. Son personnage est brisé. Le personnage de Birane Ba semble à côté de la plaque, ne comprenant pas pourquoi il a été condamné. Dali Benssalah semble contenir en lui une violence inouïe. Et puis il y a Elodie Bouchez, un des joyaux du cinéma que l’on voit trop rarement. Elle est à nouveau époustouflante.