En France, on a pas de pétrole mais on a des acteurs et ça, le troisième long-métrage de Jeanne Herry nous en offre la preuve par mille.
Prenant pour sujet la justice restaurative, un dispositif proposant des cercles de parole entre auteurs d'infractions et victimes, "Je verrais toujours vos visages" part d'un postulat aussi minimaliste dans le dispositif qu'émotionnellement puissant.
Par une approche quasi-documentaire, Herry filme ici les échanges d'une poignée d'êtres réunis par leurs histoires.
Des histoires subies, infligées, douloureuses qui se racontent, s'écoutent, se heurtent et se touchent dans un temps suspendu où les regards valent autant que les mots.
La parole passe de corps en corps, la voix tantôt éclate ou murmure et dans l'interstice des silences finit par émerger une lumière d'espoir : la possibilité du pardon et de la réparation.
Forcément, un tel postulat se devait d'être servi par des dialogues et des comédiens habités. C'est probablement la plus grande force d'un film programmatique mais qui offre à chacun-e de ses comédien-ne des instants d'incandescence bouleversants.
Pas un-e n'est en dessous ou à côté, ils sont la racine et l'essence de ce film qui n'existe que par eux. "Je verrais toujours vos visages", au delà de son caractère social et politique, est avant tout le terrain de leur expression et de leur talent.
A ce titre, la confrontation finale entre Exarchopoulos et son agresseur est un sommet de tension sourde.
Clairement partisan de son sujet, le film n'évite pas un certain angélisme et tient parfois de la fable. L'amour pour son casting empêche également Herry de couper quelques séquences de quotidienneté inutiles aux récits.
Mais la volonté de réconciliation, la foi dans le dialogue et l'écoute du film comme de sa réalisatrice agissent comme un baume apaisant à l'heure délétère du tous contre tous.
De bonnes intentions ET un beau film. Comme quoi, c'est possible.