Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines) par Charlouille .
Jimmy P. est à la base tiré d’un livre du même nom retraçant les entretiens entre Georges Devereux, psychiatre, et Jimmy Picard, Indien Blackfoot, traumatisé par la seconde guerre mondiale et par des démons qui le hantent. Pour ce long-métrage différents axes intéressaient Arnaud Desplechin : Le côté psychiatrique de l’histoire – La situation dans laquelle se fait cette rencontre – Le lien entre "un Juif et un non Juif", entre " un mauvais Juif et un mauvais Indien" comme dit dans les interviews.
Desplechin entame un voyage à la fois temporel et extrêmement profond. Se déplaçant dans le temps et les rêves de Jimmy, le film raconte sa complexité par la puissance du contact et de la parole. D’un côté, Georges Devereux ( Mathieu Amalric) est un homme ayant changé son nom, sa culture afin d’éviter le génocide. Par sa place de psychiatre il nous apparait solide mais ses hantises et ses faiblesses viennent alors par sa marginalité et ses démons, son passé. De l’autre côté, Jimmy Picard (Benicio Del Toro) est un Indien Blackfoot, rongé par des maux de têtes, du d’après lui, à sa blessure de guerre, son crâne fendu. Ces deux êtres se retrouvent rassemblés dans une sorte de huis clos intense. La fascination pour la mort et l’âme vient sublimer une suite de dialogue nous dressant une fresque de l’au delà, de la psyché. Le petit corps fragile de Devereux vient s’opposer à l’immense carrure de Picard dans un combat de l’esprit incroyable.
L’hôpital nous ressort comme une prison ou deux êtres tentent de survivre, de se donner un second souffle, loin de leurs racines. L’amante de Devereux est à sa pensée ce que les rêves sont à Jimmy, le dernier souvenir d’un temps révolu. Plongé dans une luminosité incroyable, elle n’est qu’une image. une image de l’Europe que Devereux veut désormais fuir. Face à cela Jimmy continu de combattre ses démons, ses fractures émotionnelles. dans ce chaos, Jimmy se perd entre réalité et rêve. Ce qui est fascinant c’est aussi l’harmonie parfaite qui règne entre technique et récit. l’un se mettant au service de l’autre et vice versa. le cinéma n’est plus ici une expérience non verbale, mais un verbe mis en image. Changeant de style (très coloré et lumineux lors des passages entre Georges et son amante, parfois sombre et parfaitement froid, parfois chaud et pixélisé), Desplechin permet une pénétration intégrale dans l’âme des deux protagonistes. Jimmy est seul, extrêmement seul; Il est loin de sa fille, ne voit plus sa femme. Dans ses rêves il est seul à lutter tant dans une noirceur accablante que dans une blancheur innocente. Il ne sait que choisir inconsciemment et se perd dans un absolu onirique.
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