Chose rare, un film nord-coréen est d'abord une curiosité. Car il faut bien avouer que ce ne sont pas ses qualités artistiques qui pourraient faire de ce Journal... un bon film ! Malgré un montage efficace, ce film échoue à être le mélo qu'il voudrait être: la jeune actrice peut être touchante dans sa détresse et sa solitude, mais pas bouleversante, la faute à un jeu peu subtil, guindé, comme pour les autres acteurs. La grand-mère est plus en retenue, mais on a du mal à concevoir qu'elle puisse être la mère du père, l'actrice étant visiblement trop jeune !
L'intrigue, en fait, tient en quelques lignes, et le film s'achève sans que quoi que ce soit ait été réglé. Quelques changements mineurs sur lesquels le réalisateur ne s'attarde pas – la réussite finale du père, l'entrée de Soon-Ryun à la faculté, l'installation dans un appartement longtemps espéré – n'empêchent pas que les personnages en sont finalement à peu près au même point, que l'histoire ait fait du sur-place. C'est alors que le contexte politique du film devient plus clair: le monde qu'il décrit est en fait voué à rester immobile. On attend une explosion, une révolte qui n'a jamais lieu, et ce film est finalement assez terrible dans la mesure où il n'y a pas de remise en cause du système, mais légitimation. Quand elle devient symboliquement adulte en entrant à la faculté, Soon-Ryun accepte la situation, d'autant plus qu'elle se lance finalement dans des études scientifiques, comme son père. Et tous les drames du film sont implicitement justifiés, rien ne changera: son père continuera à travailler comme un forçat et à être privé de vie privée, il restera absent des mois, voire des années; Soon-Ryun et sa sœur ne le verront que rarement et brièvement; leur mère continuera à s'user la santé en effectuant pour lui des traductions en plus de ses heures de travail, épouse délaissée mais d'un dévouement servile. Car – et c'est dit clairement - tout cela est pour le bien du peuple et de la patrie !
On a bien là à faire avec une propagande décomplexée et même incontournable, qu'on retrouve aussi avec les chansons célébrant les mérites de Kim Il-Sung, ou dans ce plan subtil, où un conseiller explique à l'adolescente que certains ne voient pas forcément l'achèvement de leur oeuvre: la caméra fait alors entrer dans le cadre les inévitables portraits de Kim Jong-Il et de son fils et continuateur, Kim Il-Sung. Les scènes de liesse sont toujours des scènes de groupe, que ce soit lorsque les camarades de Soon-Ryun installent chez elle une nouvelle cheminée, ou quand le succès de l'équipe scientifique du père est l'occasion d'un match de foot avec les ouvriers, sur un terrain complètement pelé et inadapté. Le message est finalement clair: l'individu ne compte pas, seul importe le collectif...