Je suis forcé d'admettre que, bien malgré moi et même si c'est un comportement dont je souhaite au plus me préserver, j'attendais quelque peu ce Julie (en 12 chapitres) au tournant, suite aux premiers retours qui en faisaient l'éloge, et surtout à la récente découverte du brillant Oslo, 31 aout dont la scène finale continue de me ronger de l'intérieur. Alors, cette attente déraisonnable a-t-elle était comblée? Et finalement est-ce seulement important?


Le format du film, comme la traduction française du titre le laisse aisément deviner, est donc un morcèlement en 12 chapitres de la vie d'une (plus si) jeune femme, perdue entre ses études, ses amours, ses petits boulots et ses problèmes familiaux. Il est vrai, dit comme ça, le pitch donne plus envie de cramer des poupées vaudous fabriquées à partir de cheveux de gamines de 6 ans fans de sitcoms Disney Channel plutôt que de se lancer dans les un peu plus de 2 heures que constitue le métrage.


Et pourtant, je ressort de la séance avec un beau sourire au lèvre, un sourire satisfait, bête et candide, pour la simple raison que le film balaye avec brio tous risques de tomber dans les éternels redondances de comédies romantiques que tous le monde connaît, même ceux qui, comme moi, n'en regardent jamais. Car Julie (en 12 chapitres) est un film de Joachim Trier et Joachim Trier est un monsieur intelligent qui sait comment te faire ressentir de l'attachement pour ses personnages, quand bien même ils sont médiocres, quand bien même ils sont méprisables. Et c'est d'ailleurs cette démarche qui pourrait servir d'aphorisme à tout le long-métrage et qui explique son titre original ("la pire personne au monde") car Trier nous filme des personnages et des scènes de vie réelles et véritables, et pour cela se doit de nous montrer la misère inhérentes aux uns comme aux autres, tout en les humanisant, nuançant leur situation et leur point de vue: des personnes en couples qui trompent à moitié leur moitié mais qui ne franchissent jamais vraiment le pas, un auteur un peu réac, un peu vieux con mais dans le même temps rempli de sincérité et auquel le film nous a vraiment attaché. Et c'est là le plus beau et le plus réussi car il aurait été très facile pour le réalisateur d'aborder son film avec un cynisme et un mépris pour ses personnages, auxquels le film ne succombe jamais et préfère toujours une empathie naviguant entre naïveté et onirisme.


A ce sujet, il est obligatoire de mentionner la mise en scène de Trier, sublimant constamment la photographie solaire et pleine de vie de Kasper Tuxen (que je trouve important de mentionner) et qui nous apprend dans le même moment que le rayon enfant d'une librairie norvégienne peut se révéler être le plus beau des décors pour filmer la solitude quand le tout est dosé avec une telle beauté. Enfin, la réalisation trouve toujours le juste équilibre entre le réalisme collé à ses personnages, notamment lors des scènes de séduction ou de séparation, et des effets de styles percutants et bien pensés :une scène hallucinée sous champignons, des mouvements de caméra mimant ceux d'un batteur pour nous faire entrer dans l'état d'esprit d'un personnage, le travelling devançant l'héroïne durant une fameuse scène et qu'on retrouve sur l'affiche; d'ailleurs, comment parler de sublimation et de percutant sans évoquer les acteurs, tous merveilleux, en particulier le duo principal composé de Renate Reinsve et d' Anders Danielsen Lie
(


auquel Trier réserve décidément toujours de tristes sorts


)
dont l'alchimie formée à l'écran finie d'embarquer le spectateur dans ce grand récit romantique. Romantique d'ailleurs, certes par son intrigue, mais surtout par son traitement, sa manière d'embrasser les grandes émotions, ne distinguant presque pas le malheur du bonheur, et se contentant de les éprouver, pour se sentir en vie, jusqu'à la fin...


La seule réserve que je peux formuler au film est finalement sa structure en chapitres qui me semble loin d'être indispensable et qui rend parfois le film artificiel et prévisible dans sa construction. Mais bon, on excuse bien volontiers quand tout est si bon, si bien, si beau.


Avant de conclure sur le fait que j'ai, comme vous l'avez compris, beaucoup aimé le film, je veux émettre une réserve, sans doute temporaire, sur le rapport plus biaisé que je peux avoir avec lui. En effet, étant bien moins âgé que le personnage principal, j'ai été par instant confronté à des problématiques me dépassant complétement et me remettant de ce fait un peu à ma place de simple spectateur. Pour autant, cet aspect m'a tout de même fasciné car j'avais un peu le même rapport à Julie que celui qu'elle a avec les amis de son compagnon, tous plus âgés, tous ayant accompli des choses pour lesquelles elle ne se sent pas prête tout comme j'étais intimidé par ce qu'elle-même avait traversé. Je suis donc curieux de savoir si Trier est conscient du portrait qu'il dresse, de ses limites vis-à-vis d'un public plus jeune, et si il a pris cela en compte dans sa mise en scène (ou si dans une démarche puérile et égocentrique je ramène tout à ma petite gueule).
Une chose est donc certaine, Julie (en 12 chapitres) me restera en tête, tout comme l'envie de revoir, un jour, ce curieux sourire qui m'avait tant plu.

Adarin
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le 18 oct. 2021

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Adarin

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