Sans leurs carapaces, les tortues seraient probablement des bêtes rapides comme l’éclair, mais, au fil des cheminements, la nécessité de se protéger des prédateurs les a ralenties et alourdies en les dotant d’une armure, et c’est un peu le même phénomène qui se produit pour Julie, avec comme différence que cela se produit dans une forme de dissociation : corps vif, cœur lent ; coups rapides, âme froide : « tortue pourquoi te tais-tu ? Tortue, tu es têtue. Sans t’arrêter tu te terres, mais pourquoi te terres-tu ? Tu t’obstines à te taire comme si on t’avait battue ».
Julie ne se tait pas vraiment, elle tait un drame devenu évident par un lot d’indices périphériques, et c’est tout l’échauffement, un processus libérateur mais extrêmement lent, dont traite le film, à coup de raquettes et de pompes, d’entraînements, d’examens et d’esquives. Du tennis, il délaisse la compétition pour laisser place à d’autres oppositions : entraînement en surface / travail de fond et de sape intérieur ; silence social / cris intérieurs ; admiration publique / regards en biais ; dénis maladroits / aveux feutrés et certains ; confrontations / regards fuyants.
La photographie oscille souvent entre le vert et le gris, dans une image assez terne et sans beaucoup de contrastes, dans des formes plutôt carcérales, avec, en première d’entre elles le court de tennis.
Sans esbroufe, ce film nous ramène à ces êtres ralentis par une carapace trop voyante qu’ils ne voient pas, ou pas encore, souvent par nécessité : « si le chameau pouvait voir sa propre bosse, il tomberait de honte ».
Et c’est bien pour ne pas tomber que Julie s’élève lentement, dans un sport qui vénère la brièveté des échanges, mais aussi la répétition, certaines portes ne cédant qu’au millième coup.
Un film banal sur le tennis aurait opposé Julie à un adversaire. Dans un processus fascinant de banalité, elle se trouve opposée à elle-même, et les coups qu’elle porte aux balles finissent par être sa nouvelle armure, puissante, légère et insaisissable.