"Ton absence remplit ma vie et la détruit." Julieta est une tragédie antique dont le ressort est la culpabilité. Et la douleur de la perte. Cette fois, Pedro Almodovar a mis au rencart toute tentation excentrique ou baroque, son film est épuré, au premier degré, un drame familial limpide et complexe à la fois. Au plus sombre des ténèbres, Almodovar filme avec une grâce et une élégance sans pareilles la tristesse mortifère de l'abandon de ceux que l'on aime. Mais il y a de la lumière dans cette adaptation de trois nouvelles d'Alice Munro qui aurait pu, en d'autres mains, donner un mélodrame sirupeux encombré d'un pathos gênant. Rien de tel dans Julieta dont le scénario joue avec la dilatation du temps, dont la photographie sublime les paysages andalous, galiciens, pyrénéens ou madrilènes, dont la mise en scène s'approprie quelques éléments mythiques du cinéma dans des scènes magnifiques (le train, la mer). Jusqu'à ce raccord sublime de la "serviette" appelée à rester dans l'histoire du 7ème art. Le film a été boudé en Espagne pour des raisons stylistiques (trop de jolies femmes, trop d'intérieurs superbes, trop de décors splendides) et aussi "panaméennes" mais ceci est une autre histoire. C'est pourtant pour ce contraste sirkien entre la beauté de ses plans et la fluidité de sa narration, d'un côté et la noirceur du fond de son intrigue, de l'autre, que Almodovar signe un film unique dans sa filmographie sans pour autant s'en détacher totalement. Une oeuvre de maturité à 66 ans ? Oui, pourquoi pas.