Flashback nineties… J’ai 12 ans à « trouperduville ». Le cinéma vétuste n’a que trois salles, et passe encore la vendeuse d’eskimos. Ce jour là, la salle est pleine, c’est la première de Jurassic Park.
Des moutards pleins la salle. Pendant les deux heures du film, ça piaille, ça crie. Deux semaines sans pouvoir toucher une cuillère, il m’a fallu deux semaines pour ne pas sursauter à chaque porte ouverte.
Cinq jours après Jurassic World, mon chat mal luné me ferait plus flipper que les raptors apprivoisés. Oui, c’est entre autres trouvailles, une des nouveautés !
Le pitch, vous le connaissez : 20 ans après le fiasco du premier parc, Jurassic World tourne à blinde. Les gosses du monde entier peuvent s’extasier sur un gros machin marin qui bouffe des requins, voir un T-Rex dévorer des chèvres (toujours aussi savoureuses), et les plus petits s’essayent à chevaucher des mini Tricératops. Gastronomie du Crétacé, le parc comme vous en rêviez !
Evidemment il va y avoir une couille dans le potage. C’est pas assez funky de voir des « vrais » dino, alors les laborantins apprentis sorciers ont concocté le dino ultime. Apprentis dieu serait plus près de la réalité, à voir le laïus d’Henri Wu expliquant sa création. Un Henri Wu qui au passage réussit la prouesse de s’être à la fois fait bouffé dans le livre d’origine ET dans le premier film, ET de revenir dans ce nouvel opus… C’est dire si la génétique a fait des progrès.
À part la description du monde merveilleux de Jurassic World - voir le parc fonctionner était un fantasme de nombreux fans - le reste de l’histoire est un succédané des premiers films, et d’extraits des deux livres qui n’avaient pas été utilisés.
En vrac : les deux gamins envoyés au parc alors que leurs parents divorcent (génial !), une scène de véhicule écrasé, copiée collée du premier, une course devant un T-Rex, Jeff Goldblum cover, un gamin quasi Nerd, un propriétaire inconscient, et l’apothéose avec le T-Rex qui joue les deus ex-machina. La base quoi, fallait pas trop faire bosser les scénaristes !
Les personnages sont des archétypes classiques, la working girl qui prend conscience de son manque d’humanité, le bourru au grand cœur, le méchant aux idées fixes… Bref, c’est une farandole de stéréotypes qui se baladent dans le parc.
Ajoutez à ça le placement de produit constant pour une marque de téléphones coréens (que je ne citerais pas, je ne suis pas sur leur fiches de paye). Le nom est partout, les produits dans les mains de chacun des protagonistes, et les engins résistent à tous, sauf à la charge du dinosaure ultime, l’Indominus Rex (tant qu’à faire ils auraient pu l’appeler l’Indomino’s Pizza…).
Car il y a un dino ultime, la Rolls des OGM. Dans Jurassic World le spécimen est livré avec camouflage, capacité à changer sa température, gènes de raptor, et intelligence de prix Nobel : La Bête en somme !
Pendant que l’on s’interroge sur la raison de créer un tel truc ingérable, la bestiole ne se pose pas autant de questions. Elle entreprend méthodiquement de ravager le parc, et tout ce qu’elle croise sur son chemin.
Heureusement, les scénaristes ont une solution miracle pour annihiler l’In Nomine machin. Il faudra l’action concertée d’un T-Rex, du machin énorme sous marin, et d’un raptor emplit de reconnaissance pour son dresseur, dans une bataille à faire passer la scène de fin du dernier Godzilla pour une parade nuptiale… C’est ridicule.
"No siempre lo peor es cierto" (le pire n’est jamais certain) titrait une comédie de Pedro Calderón de la Barca. En effet, on pouvait s’attendre à pire de ce film, qui évite par quelques moments de classe d’être classé dans les grosses daubes.
L’histoire est aussi prévisible qu’un épisode de télé-réalité, les personnages frôlent la caricature, et l’élastique de l’histoire d’origine est tiré jusqu’à la limite de la rupture…
Mais on s’amuse tout de même. D’abord parce que la reconstitution d’un parc à thème fonctionnel laisse béat. Puis fait s’interroger sur le gigantisme de ces temples de la consommation. Il est aussi plaisant de voir qu’à été conservé le fil conducteur de la série, à savoir la «théorie du chaos » : le parc est un système instable, où l’accident doit arriver.
Mais la différence avec le premier film est minime, les ressorts narratifs sont les même. Comme un menu XXL, on a juste grossi les portions, sans s’encombrer d’une bonne histoire. L’effet de surprise n’est plus là, et la peur engendrée par le huis-clos avec des dinos de l’histoire de base, est remplacée par de l’action vitaminée.
Ce qui faisait la force du premier, c’était ça : la confrontation à l’inconnu dans un milieu hostile, que la mise en scène de Spielberg transformait en Jaws les pieds sur terre.
Jurassic Word propose un film d’action aux recettes éculées, avec des dinos, mais sans le suspense et la tension. On sait déjà qu’une intervention de dernière minute sauvera les héros, et que tout finira bien (sauf pour la masse des seconds rôles bouffés, broyés, happés…). Certaines scènes frôlent le ridicule comme la chasse en meute de raptors apprivoisés.
L’effet de surprise n’est plus là. Les clins d’œil font sourire, le pompage fait grincer, et c’est surtout triste de ne plus entendre de cris de terreur dans la salle de ciné…