Ni un bon thriller, ni un bon drame, "Juré n°2" offre une réflexion simpliste sur la justice et une esthétique des plus conventionnelles. Clint Eastwood aurait sans doute dû prendre sa retraite avant de réaliser ce film, qui manque singulièrement d'intérêt.
Juré n°2 se présente comme un thriller centré sur l’histoire de Justin Kemp, interprété par Nicholas Hoult, un futur père convoqué comme juré dans un procès pour homicide. Très vite, Kemp se rend compte que l’accusé, petit ami de la victime, est innocent et que, la nuit du drame, ce n’était peut-être pas un cerf qu’il avait percuté en quittant le bar…
Pour être clair, l’esthétique du film n’est pas mauvaise. La mise en scène est soignée, et les plans sont, dans l’ensemble, bien pensés, quoique trop académiques. C’est sans doute le seul aspect positif de ce film.Le montage, quant à lui, est bien trop rapide. Dans la première partie, qui se concentre sur le procès, les séquences alternent entre les témoignages des différents témoins et des flashbacks de la soirée de l’accident. Aucun plan ne dure plus de quelques secondes, empêchant le spectateur de ressentir la montée en pression de Justin Kemp, qui assiste au procès sans pouvoir agir. On ne laisse jamais à Nicholas Hoult le temps d'exprimer pleinement son talent d’acteur, ce qui rend difficile l’attachement aux personnages et l’empathie pour leurs tourments.
Un montage inadapté, une mise en scène académique… mais, au moins, est-ce un bon thriller ?
La réponse est non. En vérité, on peine à comprendre les intentions du film. Clint Eastwood cherche-t-il à faire monter la pression autour de son personnage à mesure que l’étau se resserre ? Ou voulait-il explorer un conflit moral intime ? Les deux, ou peut-être ni l’un ni l’autre, car aucun de ces aspects n'est réellement développé. L’absence de risque de découverte de sa culpabilité rend vaines les tentatives de suspense. Son dilemme moral, lui, est rapidement balayé, et le manque de moments consacrés à ses sentiments nous empêche de saisir ses émotions. La séquence où sa femme découvre ce qui se passe est une tentative de tension dramatique, mais elle reste bien isolée dans ce film qui ne prend le temps de rien approfondir.
La deuxième partie se déroule à huis clos, entre jurés. Difficile de ne pas penser au classique 12 Hommes en colère de Sidney Lumet, auquel Clint Eastwood rend hommage ici. Mais il faut bien admettre que Juré n°2 souffre cruellement de la comparaison. Là où 12 Hommes en colère offrait des personnages complexes, représentants divers pans de la société américaine, Juré n°2 ne s’intéresse qu’à trois jurés : Justin, un vieux flic et un éducateur respectivement interprétés par J.K. Simmons et Cedric Yarbrough. Le reste des jurés n’est là que pour faire le nombre ; leur inutilité est démontrée par le verdict final, rendu unanime après un revirement de Justin, alors même que le vote précédent était de 6 contre 6. Les autres jurés semblent s’être miraculeusement ralliés sans raison apparente – et Clint Eastwood ne s’en préoccupe visiblement pas.
L’autre conflit moral vaguement abordé est celui de la procureure, interprétée par Toni Collette, qui n’éprouve qu’un semblant de remords final, servant de prétexte à une pseudo-réflexion sur la justice. Car oui, Juré n°2 se veut être une réflexion sur la justice, la rédemption, et le carriérisme des procureurs… Mais c’est d’une naïveté, d’une facilité, et d’une superficialité désarmantes. « Je l’ai tué, donc c’est mal, mais j’ai une famille, et puis c’était un gangster… Oui, mais tout le monde a droit à une seconde chance, non ? Et puis la justice, bah elle est pas parfaite, c’est la vie ». Le plan montrant la statue de la Justice qui observe en plongée oblique la procureure, au moment où celle-ci prend conscience de l'innocence de l'homme qu'elle a envoyé derrière les barreaux pour servir sa carrière, est révélateur du film : une œuvre convenue et superficielle.
Clint Eastwood, qui ne nous a jamais vraiment impressionnés par sa capacité à réfléchir en profondeur sur la société, nous le prouve à nouveau ici.
En résumé, le dernier film de Clint Eastwood est un métrage avec un propos fade, une direction floue, et une mise en scène académique. On aurait pu se passer de ce dernier ajout à une filmographie déjà en dents de scie.